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& il consomme une plus grande quantité de feuilles, à moins que l’année ne soit très-sèche : alors la sève est un peu mieux élaborée, mais elle ne l’est point encore assez.

Ce que je dis des arbres plantés dans un sol très-substantiel, s’applique bien mieux encore à ceux qui végètent sur un sol aquatique, marécageux ou humide ; la surabondance d’eau dans la feuille qu’on donne au ver, est la chose la plus nuisible pour lui. C’est par cette raison que les sols crayeux & argileux ne conviennent en aucune manière aux mûriers, parce que ces terrains retiennent trop l’eau, & que les racines de ces arbres ne peuvent pénétrer à travers le tissu trop serré de cet espèce de sol, & aller chercher la nourriture nécessaire à l’arbre.

Les terrains aigres, ferrugineux, & tous ceux de ce genre qui ne permettent que difficilement l’extension des racines, ne sont pas propres aux plantations des mûriers ; cependant la feuille en seroit très-bonne, mais en trop petite quantité.

Les coteaux de nature calcaire, les rochers qui se délitent d’eux-mêmes, & dont le grain est facilement converti en terre, sont les endroits à préférer pour la supériorité de la qualité de la feuille. Les racines de l’arbre s’étendent entre les scissures de ces rochers, y trouvent, à la vérité, peu de nourriture, mais elle y est parfaitement préparée. Si le sol est graveleux, sablonneux ; si à ces graviers & à ces sables il se trouve mêlé une certaine quantité de bonne terre, le mûrier y prospérera, & sa feuille sera excellente. Dans un pareil terrain, les racines s’étendront au loin, au grand avantage de l’arbre. Cependant cette extension prodigieuse des racines presque sur la surface, n’est pas ce que j’approuve le plus. J’aimerois mieux que le sol eût beaucoup de fond, & que les racines s’étendissent moins, parce qu’elles dévorent les récoltes voisines qu’on doit compter pour quelque chose, puisque celle du mûrier ne doit être qu’une récolte accessoire, à moins que le terrain ne soit pas propre à d’autres productions, ce qui est fort rare. J’indiquerai dans la suite les moyens d’empêcher cette extension ruineuse.

L’on dit, & on ne cesse de répéter que le mûrier vient par-tout ; cela est vrai, très-vrai : mais entre végéter & prospérer, & donner des feuilles, convenables à la nourriture du ver, c’est très-différent. Dans des cantons, entiers, les vers à soie réussissent très-rarement : leur éducation est décriée, & la hache, mise au pied de l’arbre, n’attend pas qu’on ait examiné sérieusement si c’est sa faute ou celle du planteur ; j’ose affirmer que c’est presque toujours celle du dernier. Lors de la manie des mûriers, on s’extasioit ; le cri général étoit : plantez des mûriers, & on a poussé la folie jusqu’à sacrifier à cette culture des champs entiers qui donnoient le plus beau blé, même les terrains à chènevières & à luzerne. Je dis ce que j’ai vu, & j’ai observé en même temps, que les éducations faites avec les magnifiques feuilles de ces beaux arbres qui végétoient dans ces fonds si substantiels, manquoient presque toujours ; que les vers étoient mous, lâches, & les cocons de peu de valeur. La constitution de l’atmosphère contribue beaucoup à la réussite d’une bonne éducation ; mais la qualité de la feuille en est la base la plus solide. Quand même on auroit une