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saison à souhait, si la feuille est trop aqueuse, on n’aura jamais une belle récolte de cocons, parce que la majeure partie des vers périra peu à peu par la dyssenterie. Le sol & l’exposition constituent la bonne feuille. Les mûriers plantés sur les coteaux (toutes autres circonstances égales), l’emporteront toujours par la qualité de la feuille sur ceux de la plaine. Quant à la quantité de feuilles, elle dépend de l’espèce du mûrier & du sol.

Ce simple exposé démontre d’où dérive la supériorité des soies, par exemple, de Nanquin, d’Italie, de Piémont, de Provence, du bas-Languedoc, du Vivarais, &c. sur celles du reste du royaume ; le soleil, dans ces premiers endroits, est plus actif, les pluies plus rares, la sève y est mieux élaborée, moins aqueuse, & ses principes plus rapprochés. Quoique les soies des provinces du centre ou du nord du royaume, n’aient pas ce degré de supériorité, ni qu’elles puissent jamais l’acquérir ; cependant on doit singulièrement s’attacher à la qualité de la feuille, & à choisir le sol qui donne la meilleure, puisqu’il n’en coûte pas plus de cultiver un bon arbre qu’un mauvais. Toutes les fois que l’on tend à la quantité, on manque toujours son but, & on obtient une soie de qualité médiocre.

CHAPITRE III.

Des semis.

Pour faire de bons semis, il faut avoir de bonne graine, & une terre convenable pour la recevoir. Examinons séparément ces trois objets.

Section Première.

Du choix de la graine.

Peu de personnes apportent une attention scrupuleuse sur ce choix, parce qu’elles sont dans la persuasion que la greffe remédiera à tout. Je conviens qu’elle fait changer de nature à l’arbre, depuis le lieu de son insertion jusqu’à son sommet ; mais si la base en est foible & viciée dès sa naissance, la greffe ne la corrigera pas. La mauvaise graine donne de mauvaise pourrette, & une pourrette défectueuse produit rarement de beaux arbres, quelques soins qu’on lui donne. Admettons, si l’on veut, qu’il soit possible d’en tirer de bons arbres ; mais n’est-il pas prudent de choisir le parti le plus sûr, & d’abandonner celui qui n’est que simplement probable, sur-tout quand les petites attentions à avoir dans le choix de la graine, coûtent si peu.

Il convient de rejeter celle des arbres trop jeunes ou trop vieux, des arbres plantés en terrains gras ou humides, des arbres cariés & rigoureusement celle des arbres à feuilles découpées, petites ou chiffonnes.

L’amateur choisira un des meilleurs arbres, c’est-à-dire, celui qui réunira le plus grand nombre de bonnes qualités, & il ne le fera point effeuiller. La nature n’a rien fait en vain, elle est admirable jusque dans les plus petits détails, & elle enchaîne toutes ses opérations les unes aux autres. La feuille est la mère nourrice du bourgeon qui doit pousser l’année suivante. Elle est la conservatrice de la fleur & du fruit, sur-tout de ceux du mûrier qui, ainsi qu’il a été dit, naissent de ses aisselles. La feuille est