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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/221

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les ; mais végéter, subsister tristement, ne pas périr, est bien différent de végéter pour produire des récoltes & d’être mis en culture réglée. C’est comme si l’on prétendoit qu’en Languedoc où l’on ne cultive des orangers que dans quelques jardins particuliers, le climat étoit aussi propre à cette culture que celui de Nice, d’Hières, de Toulon, du bas-Roussillon, & des environ de Perpignan, où ces arbres croissent en pleine terre. Des exceptions ne détruisent pas la loi générale ; & ces exceptions même tiennent à la qualité, à l’élévation & au rapprochement de l’abri. L’oranger cultivé dans les territoires déjà cités, végète au pied des montagnes très-élevées, & pour ainsi dire, coupées à pic du côté du midi ; mais à mesure que l’abri s’éloigne, l’oranger ou l’olivier ne peuvent plus se soutenir, & voilà la véritable raison pour laquelle ce dernier ne croît pas au-delà de Montelimar, en gagnant dans l’intérieur des terres, ni au-delà de Carcassonne, en suivant la chaîne des montagnes du bas Languedoc.

L’olivier demande donc à être abrité contre le nord, indépendamment de la position géographique du lieu au midi du royaume ; cela est si vrai que, dans plusieurs cantons de Provence & de Languedoc où les oliviers sont le plus multipliés, il y a des places considérables où cet arbre ne sauroit se soutenir. Il y a plusieurs tenemens où cet arbre dépérit visiblement chaque année, parce que les défrichemens ont dminué la hauteur des abris, & ont permis aux vents du nord de souffler leur air glacial sur des arbres qui ne l’éprouvoient pas auparavant. Ce n’est donc pas le rapprochement de la mer qui fait subsister l’olivier, mais ce sont les abris qui diminuent les fâcheux effets des vents du nord.

Cette cause n’est pas la seule qui contribue à leur prospérité, il faut encore une masse de chaleur constante ou presque constante. Elle dépend encore, en sens contraire, des abris, je m’explique : depuis Nice jusqu’à Carcassonne, l’abri nord est fort élevé & fort rapproché, & toute cette lisière du royaume a en face la mer & l’Afrique. C’est de-là que lui vient la chaleur qui vivifie l’olivier ; elle y est, pour ainsi dire, concentrée & retenue par l’abri du nord, d’où résulte une intensité beaucoup plus considérable que si elle ne rencontroit point d’obstacle pour gagner le nord. Les Pyrénées offrent une preuve sans réplique du sentiment que j’avance : si on tire une ligne droite d’Afrique, qu’elle traverse au pied des Pyrénées, & qu’elle s’étende au nord du royaume, on verra que c’est là précisément que le règne des oliviers finit, parce que le pays qui a les Pyrénées au sud, quoiqu’il soit abrité du nord par les montagnes, n’a plus la même intensité de chaleur, puisqu’il ne reçoit plus les vents d’Afrique, ou s’il les reçoit, c’est après que la chaleur s’est décomposée, en passant sur les sommets des Pyrénées chargés de neige, pendant neuf à dix mois de l’année. Cette chaleur africaine fait sentir son influence jusqu’à Montelimar, en remontant le rhône, les montagnes, depuis la mer jusqu’à cette ville, ne sont pas assez hautes ; assez contiguës pour décomposer cette chaleur, ni pour s’opposer à son passage ; mais au-delà de Montelimar, & vis-à-