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grande quantité de bois nouveaux, les citronniers sur-tout qui exigent beaucoup de connoissances & de pratique dans la personne qui est chargée de les entretenir. Un seul oranger peut facilement couvrir un mur de huit pieds de hauteur sur vingt à vingt-cinq de longueur, & c’est à tort qu’on n’espace ces arbres qu’à dix ou douze pieds, principalement les citronniers dont les pousses sont trois fois plus fortes que celles de l’oranger.

Quant aux orangers à haute tige, ou taillés en éventail, ou même en buisson, & qui restent toute l’année en pleine terre, on élève, pour les conserver, une charpente destinée à cet effet, & dont la longueur & la largeur sont proportionnées à l’espace qui demande à être recouverte. De grandes pierres plates sont, de distance en distance, enfoncées en terre, & dans le milieu sont pratiquées des ouvertures quarrées pour recevoir les pieds droits qui doivent supporter les pierres du toit, & recevoir les traverses des côtés. Chaque traverse est sillonnée par une forte rainure ou coulisse dans laquelle l’on fait glisser les planches de fermetures. Dans certains endroits, on supplée ces coulisses par des volets : cette méthode est plus sûre, parce qu’on est moins exposé à avoir des courans d’air, des planches déjetées, & qu’enfin on les ouvre & on les ferme plus commodément à volonté : on a soin de placer, de distance en distance, des vitraux, afin que la lumière du jour éclaire l’intérieur de cette orangerie. Cette précaution est essentielle, puisque, sans la lumière, les bourgeons s’étiolent, les feuilles jaunissent, & l’arbre souffre beaucoup. Si le besoin l’exige, on allume des poêles garnis d’une longue suite de tuyaux, afin de conserver plus long-temps la chaleur & économiser le bois. La saison décide du nombre de volets qui demandent à être ouverts ou fermés. Avec de semblables précautions, les arbres ne s’aperçoivent pas qu’ils sont transportés dans des climats qui leur sont presqu’étrangers. Lorsqu’on ne redoute plus les gelées, toute cette charpente est démontée aussi facilement qu’elle avoit été mise en place, puisque chaque pièce de bois n’est assujettie que par des clavettes ; & chaque pièce est transportée sous un hangard, pour y rester pendant la belle saison. Chacun peut aisément imaginer de semblables serres, & les faire construire avec les matériaux les moins chers du pays.

Aux îles d’Hières, à Grâce, à Nice, en Espagne, en Italie & en Corse, ces soins sont inutiles. La douceur du climat pendant l’hiver dispense des soins qu’on est forcé ailleurs de prodiguer aux végétaux étrangers ; l’oranger y végète, y croît comme nos arbres fruitiers : il s’y élèveroit fort haut si on le lui permettoit, mais comme on le cultive pour en récolter les fleurs, les fruits, encore jeunes ou à leur parfaite maturité, on est forcé d’arrêter leurs tiges à une certaine hauteur. Cet arbre exige dans ce pays comme ailleurs, beaucoup d’engrais, & qu’on travaille la circonférence du pied de l’arbre. Les Génois viennent jusqu’en Languedoc acheter la colombine. Les orangers plantés dans des caisses exigent de fréquens arrosemens : il n’en est pas tout-à-fait ainsi de ceux qui sont en pleine terre, parce que leurs racines trouvent assez de place pour s’étendre, pour plonger & aller