Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/357

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elles étoient, assez près l’une de l’autre, & on les affermit avec un peu de terre, afin qu’elles puissent se tenir debout. »

» Soit qu’on sème les orties, ou qu’on les plante, l’avantage est le même, avec la différence cependant que les plantes qui proviennent de la graine ne sauroient être récoltées au premier été qui suit, tandis que celles qui proviennent des racines plantées, peuvent l’être dès le premier été qui suit la plantation. »

» La graine & les racines des orties excepté celles de la grande espèce brûlante, ne valent rien ; elles périssent à la seconde ou à la troisième année. Les racines des premières sont au contraire vivaces, & elles poussent toujours leurs tiges sans avoir besoin d’être replantées, quand elles l’ont bien été une première fois. »

» Les orties viennent bien dans tous les terrains élevés, même sur les montagnes, parmi les pierres & dans les endroits exposés au soleil. Comme il est très-dispendieux de labourer les terres montagneuses & pierreuses, il suffit, pour la culture des orties, de transporter dans les endroits destinés à leur plantation, un peu de terre noire, & de les en couvrir à peu près de l’épaisseur de deux pouces, sans qu’il soit besoin de défoncer la terre qui est au dessous. On sème ensuite, ou bien l’on plante les orties dans cette terre. »

» Les orties élevées de graine ne doivent être coupées que la seconde année après avoir été semées. Celles qui proviennent des racines plantées, peuvent être coupées trois fois dans le premier été après leur plantation, savoir à la mi-juin, à la mi-juillet & à la mi-août[1], & ainsi de même chaque année par la suite. On peut aussi, dans le même temps, couper & récolter celles qui viennent d’elles mêmes, & que jusqu’ici on n’a presque employées nulle part. »

» Les orties coupées, le bétail les mange facilement & avec plaisir, soit qu’on les mêle avec de la paille en place de foin, soit qu’on les fasse infuser dans l’eau chaude, qu’on les y laisse pendant la nuit, & que le jour suivant, on donne au bétail cette infusion qui prend une couleur brune & un goût fort agréable aux bestiaux, ainsi que les orties qui y ont été infusées. Toute sorte de bétail aime les orties, pourvu qu’elles aient été coupées & récoltées à temps. »

» Les vaches auxquelles on donne beaucoup d’orties à manger, fournissent du lait en abondance ; ce lait rend beaucoup de crème ; le beurre qu’on en fait a un goût agréable, & prend au milieu de l’hiver une couleur aussi jaune qu’en été. Les

  1. Le lecteur est peut-être étonné de voir trois récoltes faites en si peu de temps, mais il doit observer que pendant l’été le soleil est presque toujours sur l’horizon, & que dans les grands jours du mois de juin on lit sans peine à minuit. La chaleur est soutenue pendant ces mois, & n’est pas, comme dans nos pays, tempérée par la fraîcheur de la nuit. Dans l’espace de deux mois à deux mois & demi, le seigle est semé, mûr & récolté. Ce fait seul donne une idée de la prompte végétation qui a lieu dans les pays septentrionaux ; malheureusement ces beaux mois d’été passent trop vite, & bientôt le froid semble se dédommager de la courte interruption qu’il a éprouvé,