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bestiaux qui se nourrissent de cette herbe, se portent très-bien, engraissent, sont bien en chair, & ne sont incommodés d’aucune maladie ; on ajoute même qu’une expérience constante a prouvé que les maladies contagieuses ne se sont jamais glissées parmi eux. Il est difficile de se déterminer à regarder cette plante comme jouissant d’une pareille vertu spécifique. Si on se borne à la conseiller comme très-saine & comme réunissant tous les avantages des amers & des astringens qui sont dans ce cas très-indiqués ; alors cette assertion paraîtra plus raisonnable & méritera plus de confiance ».

Plusieurs cultivateurs connoissent depuis long-temps l’utilité dont les orties sont aux animaux, comme fourrages ; ils ont grand soin de les faire récolter lorsqu’il s’en trouve une certaine quantité ; mais je ne crois pas qu’aucun d’eux ait soumis cette plante à une culture réglée. Dans les cantons très-chauds de nos provinces méridionales, où l’on ne peut faire qu’une seule coupe du sainfoin à cause de la sécheresse, la culture de l’ortie ne seroit-elle pas avantageuse, puisque malgré cette sécheresse on la voit prospérer sur la lisière des chemins. L’ortie romaine, dont le fruit ressemble à une pilule, a une tête ronde & mamelonnée, qui y est si commune, élèveroit beaucoup plus ses tiges si elle était cultivée, & l’on sait par expérience que le bétail la mange avec avidité. On est donc comme assuré de la réussite d’une plante indigène, qui supporte la chaleur & la sécheresse qui peuvent y régner. Il est facile de faire une expérience de comparaison avec le sainfoin, en employant séparément l’ortie brûlante & l’ortie romaine. Si je restois plus long-temps dans ce pays, j’offrirais quelques résultats ; mais il est à présumer que quelques cultivateurs prendront cette peine.

La graine d’ortie offre un excellente nourriture pour les dindonneaux, & ses sommités fleuries sont hachées avec la pâtée qu’on leur destine.

Les paysans de nos montagnes sont très-friands des jeunes pousses des orties ; elles leur tiennent lieu d’herbes pour la soupe, & ils les font cuire comme des épinards, & les assaisonnent avec du beurre ou de l’huile.

II. Propriétés médicinales. Feuilles inodores, d’une saveur herbacée & médiocrement austère, ainsi que celle des racines : les semences ont une saveur plus âcre. La plante appliquée extérieurement est antiseptique & très-stimulante, intérieurement astringente & détersive. La grande & la petite ortie tiennent un rang distingué parmi les substances réputées médicinales. Voici ce qu’en dit M. Vitet dans son excellent pharmacopée de Lyon. Les feuilles d’orties, particulièrement celles de la grande, diminuent quelquefois l’hémophthysie par toux violente, l’hémophthysie par pléthore, le pissement de sang par pléthore, le flux hémorroïdal & trop abondant, l’hémorragie utérine par pléthore & par affection de la matrice… Il est permis de douter que l’application des feuilles récentes & froissées, ou du suc exprimé des feuilles, arrête la gangrène & le cancer ; que le suc introduit dans le nez en suspende l’hémorrhagie, qu’extérieurement il guérit la teigne, les ulcères de l’anus, & ceux des parties naturelles ; que les semences soient