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réclame contre son insuffisance, & même contre son danger.

La conservation des farines en rame a été sans doute la première adoptée, elle consiste à porter au grenier le blé tel qu’il sort des meules, c’est-à-dire la farine confondue avec les gruaux & les sons, à laisser ce mélange à l’air pendant six semaines environ, jusqu’à ce qu’elle ait fermenté ; telle est l’expression dont on se sert dans les provinces méridionales où cette méthode est encore suivie, particulièrement pour ce qu’on nomme farine de minot.


Inconvéniens des farines en rame.

Il est bien certain que le son & les gruaux se trouvant interposés entre les molécules de la farine, ils empêchent qu’elle ne se tasse & ne s’amoncela, ils permettent à l’air de pénétrer plus aisément dans la masse, & à celle-ci de laisser exhaler une portion de l’humidité qu’elle renferme, de se combiner plus intimement avec l’autre, ce qui opère l’effet appelé si improprement la fermentation de la rame qui n’est qu’une véritable dessiccation insensible, en sorte que la totalité de la farine se détache mieux de l’écorce, & se blute plus parfaitement ; mais le son, en séjournant ainsi dans les farines, leur communique du goût & de la couleur ; il perd de son volume, & la farine bise qui s’y trouve toujours adhérente, se tamise en même temps que la farine blanche, en ternit la blancheur & la pique ; d’ailleurs, la mitte se met aisément dans le son, & si le grain dont il provient a été récolté dans une année humide, & qu’il fasse chaud, la farine ne tarde pas à s’altérer, souvent même c’est l’affaire de deux fois vingt-quatre heures.


Des farines en garenne.

La farine étant blutée au moulin ou chez le particulier qui l’emploie ou qui la commerce, on la répand en couches ou en tas sur le carreau ou le plancher du magasin, on a la précaution de la remuer de temps en temps, & même tous les jours quand il fait chaud, afin d’empêcher qu’elle ne contracte de l’odeur, de la couleur, ou qu’elle ne se marronne.


Inconvéniens de la farine en garenne.

Cette méthode est encore exposée à plus d’inconvéniens que celle des grains abandonnés en couches ; la farine une fois salie par toutes les ordures & les insectes qui y ont eu accès, ne sauroit être nettoyée par aucun instrument ; il en coûte ensuite des déchets & beaucoup de frais de main-d’œuvre, pour empêcher que ces corps étrangers, aussi nuisibles à la santé du consommateur qu’à la conservation de la denrée, n’augmentent les dispositions naturelles qu’elle a de s’échauffer & de fermenter : aussi le pain à l’approche des vives chaleurs, se ressent-il plus ou moins de cette défectuosités dans sa conservation ; tantôt il a le goût de poussière, & tantôt celui de ver ou de charançon, ce qu’on ne manque pas d’attribuer à la mauvaise qualité du grain ou à un vice de fabrication, tandis qu’il ne faut accuser que la mauvaise manière de garder la farine, qui fait tout le mal.