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citudes, l’emploi du temps, pour n’obtenir souvent qu’un aliment défectueux.

Sans doute il seroit ridicule d’objecter ici que s’il n’y avoit que des boulangers pour préparer le pain, ils le feroient payer arbitrairement. Ce commerce sera toujours sous la sauve-garde des loix, & le magistrat, instruit par les essais, veillera perpétuellement à ce que cette denrée de premier besoin soit de bonne qualité, & que son prix se trouve en proportion avec celui du grain.


Réflexions générales sur les effets du pain.

Quoiqu’il existe plusieurs questions sur les effets du pain dans l’économie animale, nous ne nous arrêterons que sur la plus importante. On est dans l’opinion que plus le pain est serré, massif & bis, plus il nourrit, parce qu’il reste plus longtemps dans l’estomac ; mais l’expérience prouve absolument le contraire.

Plus le pain a de volume, mieux il doit nourrir, parce qu’ayant plus de surface, les sucs de l’estomac peuvent en extraire plus aisément & plus abondamment de quoi former la matière du chyle ; il ne suffit pas en outre d’être nourri, il faut encore être rempli, & le pain qui a le plus de volume est celui qui produit le mieux cet effet ; & fabriqué suivant la méthode indiquée, il sera réellement beaucoup plus nourrissant, vu qu’il aura beaucoup plus de volume ; mais il aura encore plus de masse, car l’air & l’eau y entrent en plus grande quantité.

Quatre livres de farine, par exemple, réduites en pâte ferme, & traitées d’après des procédés défectueux, peuvent fournir cinq livres & demie de pain, dont l’étendue aura un pied carré. Eh bien, la même quantité donnera, suivant les bons principes, au moins six livres de pain qui occuperont le double de volume. Cette circonstance a singulièrement frappé plusieurs bons économes, dont les lettres publiées à cet égard deviennent une preuve de fait, & confirment nos observations.

Ne pourroit-on pas tirer un meilleur parti des grains & des farines qu’on donne aux animaux, en les réduisant sous la forme de pain. On fait avec quelle avidité tous se jettent sur cet aliment. M. de Chancey fils, de la société royale d’agriculture de Paris, observateur exact & plein de zèle, vient d’adopter cet usage pour ses volailles & ses mulets ; il a remarqué que la quantité de farine employée pour l’engrais du bétail destiné aux boucheries, est très-considérable dans le Lyonnois ; qu’il en coûte environ six quintaux de farine par chaque bœuf, & en proportion pour les cochons & autres animaux ; que trois livres de pain nourrissoient autant que quatre livres de farine. Or, trois livres de pain étant le produit d’environ trente six onces de grain, le bénéfice dans l’adoption de cette pratique est donc de onces  ; il y auroit même encore du bénéfice à ne pas donner les sons en nature au bétail, mais sous la forme de pain, en le mélangeant bien avec la farine de maïs, d’avoine & de sarrasin, & même avec la pulpe de pomme de terre. Les frais de cuisson sont presque nuls à la campagne ; lorsqu’on