Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/45

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l’on taille à cette époque, que si on supprime des mères branches, ou une quantité assez considérable des branches du second ou du troisième ordre, la séve concentrée dans les racines, dans le tronc, dans les branches laissées sur l’arbre, s’y trouve en surabondance, & par conséquent elle est gênée dans sa circulation. En effet, l’arbre dépouillé de ses feuilles, a perdu les poumons au moyen desquels il aspiroit pendant la nuit, l’humidité & l’air atmosphérique, & pendant le jour, rendoit à l’atmosphère, l’humidité, l’air pur & les secrétions que la chaleur du soleil faisoit monter des racines aux feuilles.

L’expérience vient à l’appui de ces assertions. J’ai observé, soit en Italie, soit en Piémont, soit dans toutes les provinces du royaume où le mûrier est cultivé en grand, que le tronc de cet arbre taillé à cette époque, étoit chargé de gouttières d’où suintoit une humeur épaisse, visqueuse & ressemblant à de la sanie. On voit encore que cette humeur est plus tenace, plus consistante pendant les grandes chaleurs, qu’elle est plus fluide, plus abondante au renouvellement des deux séves, & après les jours pluvieux ; enfin qu’elle est moins âcre, moins caustique dans ces derniers cas que dans les premiers.

Si on examine séparément presque tous les gros mûriers du bas-Languedoc, à peine en trouvera-t-on quelques-uns exempts de cette carie, si ces arbres ne sont pas déjà caverneux.

Les cavités qu’on y rencontre, les excavations sont elles-mêmes des témoins qui attestent l’action des fluides viciés & sanieux, dont l’activité corrosive a successivement fait pourrir la partie ligneuse. Je conviens que ces cavités prennent quelquefois naissance au sommet du tronc, ainsi que je l’ai dit plus haut, qu’elles gagnent peu à peu jusqu’aux racines, mais on ne doit pas les confondre avec les gouttières sanieuses. Les chicots (voyez ce mot), & la disposition de la naissance des branches en forme d’entonnoir, produisent les premières, & la taille d’été occasionne les secondes. Le mûrier taillé dans la saison convenable, & conformément aux loix de la nature, végète, pousse, subsiste, vieillit, & son tronc reste sain, sans cavité ni gouttière.

La taille faite un peu avant le second renouvellement de la séve, a des suites aussi fâcheuses que la première, & elles sont encore plus multipliées.

Supposons, à cette époque, que la sève monte en masse estimée cent ; que la masse des branches soit également de cent, n’est-il pas évident que si par la taille on supprime trente ou quarante ou cinquante de l’arbre en branches du premier ou du second ordre, le diamètre des canaux des branches restantes sur l’arbre, ne sera plus en proportion de la masse de la séve. Cependant cette sève surabondante est forcée par l’action du soleil, de monter des racines aux branches ; mais ne pouvant y parvenir dans sa totalité, elle distend peu à peu le diamètre des vaisseaux, amincit la partie la plus foible de leur superficie, brise la résistance qui s’oppose vainement à son impétuosité, perce, corrode l’écorce ; enfin se fait jour à l’extérieur où elle produit un chancre, une gouttière qui ne se fermera plus. On peut encore observer que la gouttière s’établit par préférence, sur la partie de l’écorce qui a été autrefois ou meurtrie par des