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coups, ou par des ligatures, lorsque l’arbre étoit jeune.

La carie est l’effet des deux tailles de l’été, & ce n’est pas le seul mal que la dernière produit. Si depuis la dernière époque, la chaleur n’est pas active & soutenue, s’il survient une gelée précoce, ou des rosées blanches pendant l’automne, elles attaquent les bourgeons nouveaux, encore tendres & herbacés. Ici finit leur végétation, ils périssent & se dessèchent sur pied. Si ce jeune bourgeon n’a pas eu le temps avant le froid, de devenir ligneux, il ne résistera pas à la rigueur de la saison : enfin, s’il est parvenu à l’état de bois parfait, il offrira à la vue une branche chiffonne, qui déparera l’arbre, & absorbera en pure perte une partie de la séve pendant les années suivantes. Tel est le sort de presque toutes les pousses du mûrier taillé vers la seconde séve.

Il est difficile que cela ne soit pas : en effet, comment se persuader que la séve se portera plus facilement à former de nouvelles branches, qu’à continuer sa route dans les vaisseaux déjà établis, & ou elle circule librement depuis le retour de la chaleur. Les anciennes branches ont tout ce qu’il faut pour l’attirer ; garnies de feuilles, elles la pompent & l’épurent pour leur propre accroissement, & afin de servir de nourrice au bouton qui se forme à leur base, & qui ne e développera que l’année d’après.

Enfin la séve suit sa route naturelle, & aucun obstacle ne l’arrête dans sa course. L’humble bourgeon au contraire, craint de paroître, prend à la dérobée quelque peu de la surabondance de la séve, végète languissamment, & à peine a-t-il la force, avant l’hiver, d’acquérir la consistance d’aubier. (Voyez ce mot) L’inspection seule des pousses démontre mieux ce que j’avance que tous les raisonnemens.

Cette taille tardive réussit cependant quelquefois dans nos provinces méridionales, lorsque la chaleur du reste de l’été & de l’automne est soutenue, & lorsque les gelées ou les rosées blanches sont tardives ; malgré cela, je ne saurois la conseiller.

La véritable & seule époque de la taille est indiquée par la nature. Les feuilles tombent, donc la végétation générale cesse ; donc tous les boutons qui doivent former les bourgeons au printemps suivant, ont acquis leur perfection. La taille faite huit à quinze jours après la chute complète des feuilles, donne le temps à la plaie, non pas de se cicatriser, mais à l’écorce seulement & au bois de se durcir à la superficie, & de résister aux intempéries de la mauvaise saison qui approche. L’onguent de saint Fiacre appliqué sur les plaies un peu fortes, est le meilleur préservatif.

Tous les arbres quelconques sont obligés de suivre la loi qui leur est particulière, soit pour le développement, ou pour la chute de leurs feuilles. Une chaleur habituelle de deux à trois degrés suffit au développement des feuilles du sureau ; celle de quatre à cinq pour les saules, les peupliers, les amandiers, les pêchers &c. ; celle de six à sept pour les frênes & pour les alisiers ; enfin les arbres les plus prudens, tels que le noyer, le châtaignier, le mûrier exigent une chaleur de huit à neuf degrés, & la chute des feuilles de ces arbres suit naturellement les mêmes proportions, à moins que des accident ne