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en espalier ; c’est le destructeur de l’arbre, si on n’y remédie.

Si la taille est parallèle, suivant la coutume d’une grande partie du bas-Languedoc, on aura pendant quelques années, beaucoup de jeune bois, & par conséquent des feuilles larges & bien nourries, mais l’arbre s’épuise, & on est contraint à revenir souvent à de fortes tailles.

Par le parallélisme des branches mères, elles parviennent à l’angle de quatre-vingt à quatre-vingt-dix degrés, signe de décrépitude, ou tout au moins de souffrance. Prodigieusement alongées & surchargées de bourgeons & de feuilles, elles s’inclinent vers la terre, languissent, & le peu de vigueur qui leur reste, se consume à pousser des branches chiffonnes.

Une nouvelle taille dans ce cas, devient indispensable : on sera bientôt forcé à recourir à une autre plus forte que les précédentes ; l’arbre s’exténue & arrive à la complète décrépitude, long-temps avant l’époque fixée par la nature.

Le mûrier au contraire, dont toutes les branches auront à peu près été dirigées sur des angles de quarante à cinquante degrés, ne s’épuiseront pas en bois gourmands ; leur végétation suivra une marche uniforme, le tronc s’élèvera, & grossira en raison de la force & de l’étendue de ses branches, de manière que chaque partie restera en proportion avec le tout, & le tout avec ses parties.

Dans la taille horizontale, au contraire, les mères branches sont peu nombreuses, & les branches perpendiculaires, qu’elles poussent, très-multipliées ; mais comme chaque nouvelle branche en pousse de nouvelles sur le côté, dès la seconde année, ces dernières n’ayant plus ni assez de nourriture, ni assez d’espace pour s’étendre, l’arbre appelle l’homme à son secours ; il faut le couronner, si on veut le rajeunir, ou être sans cesse le fer à la main, ce qui l’épuise.

On a trop sacrifié à la facile cueillette de la feuille ; ces têtes d’arbres sont aplaties en manière de parasol : leurs branches s’étendent au loin ; & l’on ne peut plus semer au-dessous que des grains pour fourrage, encore faut-il le moissonner, qu’ils soient ou ne soient pas au point convenable, avant la récolte de la feuille.

Le mûrier, dont les branches seront à l’angle de 40 à 50 degrés, s’élèvera plus que le mûrier taillé parallèlement. Le nombre des branches du premier & du second ordre, sera plus multiplié, & par conséquent, la personne préposée à la récolte de la feuille, trouvera un plus grand nombre de points d’appui, contre lesquels elle assujettira son échelle ; dès-lors la facilité de la récolte des feuilles, deviendra égale. Un mûrier livré à lui-même, depuis le moment de sa plantation, fourniroit plus de feuilles, puisqu’il auroit plus de surface, & cet avantage est encore plus marqué sur celui dont les branches sont à l’angle de 40 à 45 degrés.

Ce parallélisme des mères branches établit sûrement la cavité, dont on a parlé, & où se rassemblent les eaux sur le pivot de l’arbre. En effet, je n’ai jamais vu aucun de ces gros mûriers, qui ne fût caverneux : c’est d’ailleurs une perte réelle du tronc, qui ne peut plus servir à faire des douves de tonneaux, objet si cher & si précieux dans ces pays peu boisés. Ces fatales cavités sont très-rares dans