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dispose à contracter une infinité de maladies, si elle n’en est pas la cause immédiate. Un simple coup-d’œil jeté sur le bétail qui vit dans des communes marécageuses & humides, prouve mieux cette assertion que tout ce que l’on pourroit dire.

La fraîcheur des forêts, le peu de lumière qui éclaire leur intérieur, en rendent l’herbe peu nourrissante, & de qualité au moins médiocre ; le bétail la mange, il est vrai, mais uniquement parce qu’il n’en trouve pas d’autre ; le premier besoin est de lester son estomac ; mais si dans cette forêt il se rencontre des vides, l’animal ira de lui-même, attiré par une herbe plus nourrissante ou plus saine, & par la même raison il courra à celle qui tapisse les lizières de cette forêt. On auroit tort de s’imaginer que les plantes graminées qui végètent sous ces ombrages soient spécifiquement les mêmes que celles de nos prairies. La nature les a placées où elles doivent croître, & si on les transporte d’un lieu à un autre, elles y végéteront mal, & par conséquent elles donneront une mauvaise ou une médiocre nourriture suivant leurs qualités.

Un très-grand nombre de propriétaires destine au pâturage les pièces peu productives. Certes, c’est manquer le but ; le bœuf & la vache aiment l’herbe fraîche, une trop longue nourriture au sec leur est nuisible. Après avoir brouté pendant quelques jours, quelle nourriture les animaux trouveront-ils ? aucune, sur-tout pendant la chaleur. Le sol de ce pâturage auroit produit du seigle, de l’avoine, & la récolte de l’un ou de l’autre auroit été plus lucrative.

On est heureux, lorsqu’au milieu de quelques grands fleuves ou de quelques rivières, on a des îles un peu boisées & chargées d’herbes, sur-tout lorsque le sol n’est pas marécageux. Le bétail y trouve une nourriture abondante & saine. L’animal est forcé de faire le trajet à la nage, & ce bain répété deux fois dans la journée, vaut mieux pour lui que l’étrille du valet de l’écurie, & que le pansement le mieux soigné. C’est ainsi que sur les bords du Rhône, de la Loire, &c., le bétail est conduit chaque soir pendant l’été ; c’est ainsi qu’il passe dans l’île tous les jours exempts de travail, & qu’à la rigueur il n’auroit pas, dans la nuit, besoin de gardiens si on ne craignoit les voleurs.

Le plus ancien bœuf de la métairie, est ordinairement le conducteur du troupeau, & son exemple sert à diriger tous les autres ; c’est lui qui, le premier, se jette à l’eau, les autres suivent son exemple. Si le plus timide reste sur le bord, il beugle lorsqu’il se voit seul, les autres beuglent de l’autre côté & l’appellent ; enfin, sa timidité cesse, & bientôt après il rejoint ses camarades. L’expérience du premier jour suffit à son éducation. Lorsque l’on veut rappeler le troupeau, le bouvier vient sur le bord de la rivière ; mais afin d’attendre moins longtemps, de loin il fait entendre les sons rauques de son cornet à bouquin. Cet instrument n’est qu’une grande corne de bœuf, percée à sa pointe, & par laquelle le bouvier souffle. Cette espèce de cor peut être encore faite avec une corne de bélier. Aussitôt que les bœufs en entendent le son, ils se rendent aux bords de la rivière, la traversent & viennent paisiblement se remettre sous