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cueille toute la feuille. On objectera que l’on court les risques de tomber de plus haut ; en ce cas il faut donc détruire les cerisiers, & tels autres arbres qui sont aussi élevés que les mûriers. Je conviens que ces accidens sont funestes, terribles, cependant ils ne sont jamais que la suite de l’imprudence du cueilleur. Le bois du mûrier est souple, peu cassant, dès que la branche a une certaine force. La suppression des mûriers, à plein vent, est le seul moyen de remédier à ces chutes ; cette idée n’est point aussi bizarre qu’elle le paroît au premier coup d’œil : c’est ce qu’il faut prouver.

Section II.

De la conduite & de la taille du Mûrier.

L’expérience a prouvé que la pourrette donnoit des feuilles plus précoces que les arbres à plein vent ; que des mûriers en buisson se feuilloient également plus vite, & la nécessité d’avoir des feuilles au moment que le ver à soie vient d’éclore, a obligé de se pourvoir d’un certain nombre de pieds en buissonniers. Peu à peu de tels arbres ont servi à former des haies, autour des champs, & on a trouvé que leurs feuilles étoient très-utiles au premier & au second âge des vers. C’est de-là, sans doute, qu’on est parvenu à l’idée de soumettre, en France, les arbres nains à une culture réglée ; elle n’est pas nouvelle aux Indes orientales, & suivant le rapport de quelques voyageurs, c’est la plus commune : M. de Payan d’Aubenas est le premier qui l’a essayée en grand, & son exemple commence à gagner de proche en proche. Si on n’avoit pas à redouter le parcours des troupeaux, il seroit très-avantageux de circonscrire les champs avec des haies semblables : outre les services essentiels que rend une haie (voyez ce mot) on auroit ici le bénéfice de la feuille ; & je réponds, d’après ma propre expérience, que chaque pied de mûrier greffé par approche sur le pied voisin, ainsi qu’il est dit au mot haie, cloroit plus sûrement une possession, qu’un mur. Cette opération réuniroit l’utile & l’agréable : Revenons aux mûriers nains, & écoutons M. de Payan, dans une lettre adressée à M. Faujas de St. Fond, insérée dans son Histoire Naturelle du Dauphiné.

« Les mûriers nains connus depuis long-temps, par quelques bordures cultivées à Bagnols en Languedoc, dans l’intention d’avoir de la feuille tendre & précoce, furent traités très-en-grand à Aubenas, où j’en fis faire des plantations immenses, il y a environ trente ans.

» Ces plantations, encouragées par le gouvernement, furent imitées de proche en proche, malgré l’opinion où l’on étoit que la mienne ne réussiroit jamais dans le mauvais sol où je l’avois établie.

» En effet, l’observation des anciens propriétaires des mêmes possessions, qui avoient essayé, vainement depuis soixante ans, d’y planter des arbres à plein vent, auroit dû me décourager, ou du moins m’engager à ne faire des essais qu’en petit ; mais j’avois reconnu déjà que le mûrier nain étoit d’un tempérament tout différent de celui qu’on élève en plein