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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/55

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Section III.

Des Taillis & des haies de Mûriers.

§. I. Des Taillis. Il est possible de considérer cet arbre, abstraction faite de sa feuille, quoiqu’elle puisse être aussi facilement recueillie que celle du mûrier nain, & être presqu’aussi abondante : je n’envisage ici que les pays dénués de bois, ou les pays dont les vignes sont soutenues par des échalas ; enfin les terrains montueux, rocailleux, dont on ne sauroit tirer presqu’aucun parti, & qu’il faut cependant garnir d’arbres, afin de conserver le sol qui se trouve au dessous. La célérité avec laquelle le mûrier végète, son peu de délicatesse sur le choix du terrain, couvriront bientôt les frais des premiers travaux, & le cultivateur dans le plus court espace de temps donné, peut voir une jolie verdure sur un lieu où il n’appercevoit autrefois que rochers. Je n’ai cessé, dans le cours de cet Ouvrage, d’inviter & de presser les pères de famille, qui aiment leurs enfans, de planter des bois, parce que leur rareté est devenue extrême en France, & que le luxe amène insensiblement leur destruction totale. Ce que j’ai dit, je le répète, les taillis de mûriers équivaudront à ceux dont les plants sont de nature à être transformés en bois de charpente, &c.

Dans les provinces méridionales du royaume, quelle quantité immense de terrains incultes, vulgairement appelés garrigues & ailleurs bruyères, dont l’utilité se borne à un simple parcours de troupeaux ! Ne peut-on pas les mettre en valeur ? On objectera la dépense première ; à cela on opposera l’exemple de M. de Payan. Il ne s’agit pas de détruire dans une année la vaste étendue de bruyères, mais peu à peu, & suivant les facultés des propriétaires. On commence, autant qu’on le peut, à les mettre en valeur, on les convertit en vignes. Cette transformation ne paroît, en aucun cas, avantageuse, sinon pour le pauvre particulier qui devient propriétaire d’une portion de sol qu’on lui cède sous une redevance. Alors cette vigne lui fournit le vin nécessaire de sa consommation. Mais dans ces provinces le vin a si peu de valeur par son abondance indicible, que même ce pauvre particulier gagneroit beaucoup plus d’acheter du vin que de cultiver une vigne. Combien de fois n’a-t-on pas vu, même pendant la paix, les 675 bouteilles ne coûter que 12 à 15 livres ; combien de fois n’est-on pas forcé de laisser la moitié de la récolte sur le cep, & cependant la vigno-manie subsiste plus que jamais. Si les habitans des États-Unis de l’Amérique plantent des vignes, ce qu’ils commencent à exécuter, où sera donc le débouché de nos vins ? Cependant si le sol de ces garigues, de ces bruyères, convient aux vignes, il conviendra donc également aux mûriers ? L’expérience prouve plus que la démonstration la plus rigoureuse, & que les raisonnemens les mieux suivis. On a cette expérience ; que faut-il donc de plus ? Elle prouve qu’il ne reste jamais un seul mûrier à louer ; c’est donc encore une preuve qu’il n’y en a pas assez dans le pays, & que tel qui ne faisoit aucune éducation des vers à soie,