Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/54

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des nains, comme très-facile en automne, & la faire sécher. J’en nourris actuellement quatre vingts-brebis. »

Voilà donc la possibilité & le succès des mûiers nains, démontrés en grand ; il s’agit actuellement de voir un si bel exemple se propager de proche en proche, & lorsque ces arbres suppléeront en totalité les mûriers à plein vent, la vie, chaque année, sera conservée à des individus qui meurent de leur chute de dessus ces arbres, ou qui en restent estropiés. Ces arbres réunissent tous les avantages ; 1°. des femmes, des enfans en ramassent la feuille sans peine, sans risque, & plus promptement que les plus habiles cueilleurs ne le feroient sur de grands arbres. 2°. Le propriétaire est plutôt remboursé de ses avances, & tout le terrain est mis à profit. 3°. Les mûriers nains greffés poussent aussi vîte que la pourrette ; ressource précieuse dans les pays chauds, où l’éducation des vers ne réussit qu’autant qu’elle est avancée. 4°. Les nains réussissent où ceux à plein vent ne végètent qu’avec peine. 5°. Leur feuille est aussi bonne que celle des autres, mais il faut observer que les feuilles des plantations nouvelles doivent être données dans les premiers temps de l’éducation, & réserver celles des vieux pieds, pour l’époque de la frèze. (Voyez le mot ver à soie).

M. l’Abbé de Sauvages, à qui l’on doit un excellent Traité sur l’éducation des vers à soie & sur le mûrier, n’est pas du même avis que M. de Puyan sur le produit du mûrier nain, comparé à celui en plein vent. Voici comme il s’explique.

« Il n’est pas douteux que dans les premières années de la plantation, le champ aux mûriers nains ne rende beaucoup plus de feuilles que celui des mûriers de tige : mais celui-ci en revanche, en donnera beaucoup plus que l’autre, lorsque ceux des deux champs auront pris leur entier accroissement. La raison de cette dernière assertion est évidente. Les mûriers nains doivent laisser toujours de grands vides entre eux ; si leurs branches qui s’étendent de côté se touchoient, le peu de hauteur qu’elles ont au-dessus de terre ne permettroit pas aux ouvriers d’y aborder pour les cultures. D’ailleurs, leur tête d’une taille déterminée, n’est jamais plus haute que de cinq à six pieds, & ne peut donner de feuilles qu’à proportion de cette masse, au lieu que celle des mûriers de tige s’élève le plus souvent au-dessus de deux toises ; & d’ailleurs, les branches des deux mûriers voisins, venant à se toucher dans quelques années, remplissent les grands vides qu’elles laissoient d’abord entre elles, sans gêner cependant les ouvriers dans les labours qu’ils font par dessous. S’il est vrai que les terrains les plus ingrats soient propres aux mûriers nains, il ne l’est pas moins qu’on ne doit les y planter qu’autant qu’ils seront à l’abri du bétail qui les brouteroit, & que pour les en garantir on pourra creuser tout autour des fossés profonds, planter des haies vives, &c. » C’est ainsi que parloit M. l’Abbé de Sauvages en 1763, & M. de Payan en 1781, après trente ans d’expérience. Comme je n’ai jamais cultivé de mûriers nains, je ne puis décider sur les avis opposés ; mais en jugeant par analogie, & sur-tout d’après les succès de ce dernier, je dois être de son avis