Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/551

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qu’on leur ôte, il s’en forme une foule d’autres[1]. »

» 3°. À planter les arbres avec toutes leurs bonnes racines, quand elles auroient une aune de long, c’est le moyen de leur faire pousser des jets vigoureux dès la première année, & de les voir tous formés à la seconde. La règle générale est de ne rafraîchir le bout des racines que de l’épaisseur d’une ligne, en proportionnant la grandeur du fossé à leur longueur ; coupées dans l’endroit où elles sont le plus menues, elles s’allongent en croissant par la suite, dans leur grosseur naturelle. Le contraire arrive quand on les raccourcit dans leur fort : il se fait alors autour de la coupe un petit bourrelet environné de filets, qui deviennent racines moyennes, mais jamais aussi grosses qu’elles auroient dû l’être. Il m’est arrivé de faire lever des arbres, soit pour en remplacer de défectueux, soit à cause de leur proximité. Ces arbres, que, dans le temps, j’avois plantés avec toutes leurs racines, par voie de perpendicularité, & sans supprimer le pivot, les avoient alongées jusqu’à cinq pieds de profondeur, & six à sept dans le pourtour. J’en ai vu un grand nombre qui, en quatre ou cinq ans, avoient des racines de treize pieds de longueur. »

» 4°. À ne toucher en aucune façon au chevelu. Il y a entre toutes les racines un rapport général, semblable à celui qui, dans le corps humain, se trouve entre les vaisseaux qui contiennent le sang & les liqueurs nécessaires à la nutrition & à l’accroissement. Les petites racines portent aux moyennes & aux grosses les sucs de la terre les plus fins & les plus déliés, l’ordre est donc totalement dérangé par la suppression de ces filets. »

» 5°. À faire sa coupe par dessous, nette & en bec de flûte. Cette maxime est fondée sur ce que l’ouverture de la plaie, faite à l’extrémité de la racine, se referme plus aisément quand elle répond directement à la terre sur laquelle elle pose, que si elle se trouvoit supérieurement ou sur le côté, comme la coupe ordinaire des branches. »

» 6°. À observer la position des racines & une juste proportion entre elles. Tous les arbres ont plus ou moins de grosses racines autour du tronc & entremêlées de moyennes. Quelquefois elles se trouvent toutes du même côté. On plante un pêcher

  1. J’ignore de quel naturaliste M. de la Ville-Hervé veut parler ; mais je suis entièrement du sentiment de ce dernier. Dans une olivette labourée par la simple araire, décrite par Virgile, (consultez le mot Charrue) les racines des arbres, & même grosses comme le bras, s’étoient emparées de la superficie du sol, & par conséquent les récoltes en grains étoient au-dessous du médiocre. J’y fis passer la grosse charrue à roues, attelée de trois paires de bœufs, qui enleva une quantité très-considérable de ces racines. Les oliviers souffrirent pendant deux ans de cette soustraction ; mais à la troisième ils reprirent une vigueur toute nouvelle, & la récolte en grain fut très-belle. Si l’on veut appliquer cet exemple à toute espèce d’arbres fruitiers que l’on plante, on doit observer que l’olivier avoit, outre ces racines superficielles, un grand nombre d’autres racines pivotantes, & malgré cela l’arbre a souffert ; que sera-ce donc pour un jeune arbre qui a besoin de reprendre, de végéter, &c. ? cet exemple preuve encore qu’on ne coupe & qu’on ne retranche jamais impunément des racines.