Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/550

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cine, on ménage ses chevelus, & on parvient jusqu’au pivot que l’on conserve avec le même soin que les racines ; enfin, c’est l’arbre tout entier qui sort de terre & qui sera replanté avec le même soin : mais si on fait venir les arbres du dehors, il faut prévenir d’avance le pépiniériste, & en même temps qu’on lui fait la demande, lui dire qu’on ne lui payera pas les arbres dont la greffe fera bourrelet, ni ceux dont les chevelus seront meurtris, les racines écourtées, & qui n’auront pas dix-huit pouces de longueur à partir du tronc. Il vaut mieux payer plus cher & être servi de la manière qu’on l’exige.

M. de la Ville-Hervé, & la pratique constante des cultivateurs de Montreuil, confirment ce que j’ai avancé sur la conservation des racines. « Il y a, dit-il, une préparation essentielle omise par les plus habiles jardiniers, pour habiller le pêcher & le mettre en état d’être placé en terre : elle consiste 1°. à sonder toutes les racines, & à examiner s’il n’y en a point de mortes, de brisées, d’éclatées, de rongées par les vers, ou attaquées de chancres. Dans tous ces cas, il faut supprimer celles qui sont défectueuses, raccourcir celles qui sont cassées ou fendues. À l’égard des racines endommagées par les plaies ou par des contusions, & dont le retranchement feroit tort à l’arbre, on les guérira par l’onguent de saint-Fiacre, (consultez ce mot) précaution tellement essentielle, qu’un pêcher à l’égard duquel on l’aura employée viendra plus vite en trois ans qu’un autre en six. »

» 2°. À ménager soigneusement les pivots, au lieu de les supprimer en dessous près du tronc, suivant la pratique ordinaire des jardiniers. Il est impossible qu’une plante pivotante à qui l’on a supprimé son pivot, croisse & se fortifie, à moins que la perte n’en soit réparée par un nouveau. Ceux qui ont étudié la nature, ont vu qu’elle reproduit un pivot & souvent plusieurs, à nombre de plantes qui en ont été privées. Dans les amandiers par exemple, vous trouverez des racines plongeantes & pivotantes, & non latérales. Comme elles sont perpendiculaires au tronc, elles prennent des sucs plus abondans que celles qui sont placées horizontalement, j’ai remarqué que les arbres fruitiers qui pivotent, ont toujours rapporté les fruits les mieux nourris & les plus succulent, & que les plus vigoureux que l’on lève dans les pépinières, sont ceux qui ont des pivots : ainsi supprimer aux arbres le pivot, c’est détruire leur mécanisme & leur organisation. »

» J’ajoute que si on fouille, au bout de trois semaines, à l’endroit de ces plaies considérables faites au tronc, on trouvera la terre entièrement trempée de l’écoulement de la sève. On verra le chanci prendre à ces plaies, & des insectes picotter leurs lèvres dont ils empêchent la réunion ; par elles de gros vers entrent quelquefois dans le tronc de l’arbre, & en montant toujours vers sa tige, ils la carient au point qu’il meurt. Ces observations ne s’accordent guère avec le sentiment d’un naturaliste moderne qui recommande dans ses écrits de retrancher le pivot des arbres & de mutiler ses racines. Suivant lui, on ne risque rien en coupant, lors du labour, des racines des blés, de la vigne, des arbres ; on leur rend même un grand service, parce que pour quelques suçoirs