Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/604

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ains en oster curieusement tout ce qui pourroit y venir, aucun jeton n’y pouvant renaître qui ne difformât le pied de l’arbre au préjudice de toute la plante. Par tel ordre & bénéfice de la culture du fonds, les arbres se façonneront très-bien, qu’ils soient entés en la bastardière ou non, sans distinction, ainsi estant convenable de les gouverner tous ; & se rendront prests à estre replantés dans cinq ou six ans, (ou plutôt le pays leur agréant) à compter de l’ensemencement qu’auront attaint la grosseur du bras d’un homme robuste, ou celle du manche du hoyau ; tels pour la reprinse & accroissement estant nécessaires ; d’autant que moindre ne pourroit estre que de trop tardif & ennuyeux avancement, & plus grande que de hasardeuse reprinse. »

» Pour gaigner quelques années, aucuns ne passent par la pépinière, ains seulement par la bastardière en laquelle ils replantent des arbrisseaux bien choisis, arrachés és taillis & forests, pour là les nourrir & eslever, comme est dit ci-dessus. Cela est bon où l’on a suffisance de plants qualifiés comme il appartient ; mais comment qu’on manie le plan sauvage de son origine, jamais ne peut-on tirer fruit si exquis que par la voie de la semence pour les raisons dites. »

» Plusieurs arrachent de la bastardière les arbres encore sauvages pour les replanter au verger, & là finalement les enter ; d’autres & mieux entendus en cest art, les entent en la bastardière mesme, avant que de les en retirer, à ce que francs soient logés en leur dernier lieu, sans estre contraints par nécessité de les enter après. Voire passant plus outre, ne se contentent de les enter une seule fois, ains y retournent plusieurs pour faire rapporter aux arbres fruits très précieux ; car il est certain que comme les métaux se raffinent tant mieux que plus souvent on les refond, ainsi les arbres, par réitérés entemens, parviennent à cette perfection de bonté tant souhaitée, pour la production d’excellens fruits ; mesme par telle curiosité les fruits s’en diversifient & bigearrent avec utile & plaisante admiration ; & d’autant que c’est l’un des principaux secrets de la conduite des fruitiers, ignorée des anciens, ne faut laisser en arrière de présenter l’ordre à cela convenable, sans toutes fois toucher aux particulières façons d’enter, réservées pour un autre lieu.»

» Un an après le remuement des arbres en la bastardière, vers le mois de mars ou d’avril, les jeunes arbres, quoique minces, seront entés en fente, un peu sur terre, ou dedans icelle, si mieux vient à propos. Pour la petitesse du tronc, une seul greffe y sera mise, joignant par ses deux escorces des deux costés le tronc de l’arbre, icelui & la greffe estant de mesme grosseur. Là, la greffe justement insérée, se reprendra très-bien, jetant du bois à suffisance pour recevoir une autre greffe l’année suivante. De mesme en ferez pour la troisiesme fois en la troisième année, c’est à savoir enteré comme dessus, mettant la greffe sur l’enté ; ensuite, pour la quatrième fois, faisant toujours une enteure sur l’autre quatre doigts en montant ; par ce moyen la derniere greffe, logée en lieu du tout purifié par son exquise élection, & des précédentes, rap-