Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/603

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leur séjour en la bastardière, pour petit à petit les sevrant de boire, par manière de dire, les désaccoutumer de l’eau, pour aisément s’en passer (icelle défaillant) après estre replantés au verger. Or, comme il est requis d’estre modéré à l’arroser des arbres, aussi est nécessaire de beaucoup de discrétion au curer & nettoyer pour les faire croistre ainsi qu’il appartient en ceste leur tendre jeunesse ; car estant ce poinct mal entendu, c’est procurer la mort aux jeunes plantes, ou du moins les avancer : mal à propos, pour après ne pouvoir faire bonne fin. Il est certain que tout jeune arbre s’efforce à vous obéir quand se sentant deschargé de branchages, il le monte hautement ; mais c’est à sa ruine si trop tost ou ignoramment on l’a esmundé, dont finalement par la foiblesse de sa tige, le pied estant curé, demeurant mince, l’arbre se recourbera par le haut, & sans pouvoir palier outre, languissant, desséchera. Pour laquelle perte prévenir, & tout d’une main rendre l’arbre bien formé, façonné, faudra s’abstenir patiemment d’en couper rien avec le fer, de ses deux ou trois premiers ans ; ains seulement avec l’ongle oster ce que sans surcharge l’on ne lui pourroit laisser, comme le bout des branches des costés, s’écartant par trop, sans s’oublier d’en couper aucune, rez du tronc, laissant croistre à mont celui du milieu, qui se trouvera le plus droit pour servir de maistre pied ou tige ; toutes fois ce sera avec un jusques-ou, qui pourra estre limité à six pieds, pour lit, faire la fourcheure de l’arbre. Aussi quoiqu’il tardast, couperoit-on telles branches, quand ce ne seroit qu’en transplantant l’arbre, & ce après avoir tiré beaucoup de substances au détriment du tronc, lequel par ce moyen s’en grossira bien tant, & sitost qu’on ne pourra le contempler qu’avec ébahissement. Jusqu’à telle mesure donques laissera-t-on s’en monter la tige, non davantage ; là, le roignant dès incontinent qu’on s’appercevra y estre parvenu, pour jeune que soit l’arbre. Et ensuite, estant engrossi, couper bien rez toutes les branches du tronc, l’en déchargeant depuis terre jusqu’à la fourcheure, là, presnant sa forme. Ainsi demeurera l’arbre plus gros par le bas que par le haut, par conséquent, très-ferme pour durer longuement ; auquel poinct il se rendra quand par le tempéremment des branches portières aura esté retenu de verser en hors, résistant aux vents ; & que, comme a esté dit, la vertu des roigneures supérieures rétrogradant, aura esté réservée pour la nourriture du pied, sans l’avoir inutilement communiqué à la teste. »

» Le temps de curer les jeunes arbres, est lorsqu’ils sont en sève, pourtant plus facilement leurs plaies en estre recouvertes, & en moins de temps consolidées, ce qui avient par le prompt secours d’icelle sève ; chose qu’on pourra faire depuis la fin de mars jusqu’à celle de juin. De plusieurs années ne pourriez espérer l’entière guérison de tels ulcères, esmondant les arbres avant tel secours là, comme aucuns mal-expérimentés font, qui au contraire ne mettent jamais la serpe és arbres, que lorsqu’ils sont endormis… Ayant curé le tronc des arbres, convient les entretenir en tel estât, sans souffrir s’y accroître par après aucun bois,