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on peut cependant, si l’on voit des pousses s’emporter & ne garder aucune proportion avec les branches voisines, les arrêter, afin que, poussant des branches latérales, elles n’aient plus la même impétuosité de séve favorisée par le canal direct. On peut encore, si la séve se porte virilement plus d’un côté ou dans une partie de l’arbre que de l’autre, travailler à mettre le tout en équilibre, ou par le raccourcissement, ou par la soustraction de quelques branches. C’est toujours la faute de celui qui a taillé l’arbre dans le temps, si on est obligé lors de l’émondage de recourir à cet expédient. L’arbre vient d’éprouver une forte crise par la soustraction des feuilles ; il ne faut pas encore l’augmenter par une nouvelle taille. Tout paysan se donne pour émondeur, pour tailleur de mûrier. On pourroit dire qu’ils le deviennent par miracle, ou plutôt ils sont & seront toujours les bourreaux des arbres. Une routine sans principe les guide ; & lorsqu’ils ont enlevé une grande quantité de mères branches, ils disent, voilà un arbre bien dégagé, & on admire leur travail. Le propriétaire & l’ouvrier en savent autant l’un que l’autre.

CHAPITRE XI.

Des maladies des Mûriers.

L’éducation des mûriers est une des causes qui influe le plus sur leur dépérissement. On hâte, on presse leur végétation en branches, en feuilles ; & leur épuisement en est accéléré. Il l’est bien plus par la cueillette des feuilles, qui arrêtent presque tout à coup la respiration de l’arbre, par les feuilles, (voyez ce mot) & cette suppression opère un reflux de la matière de la transpiration dans la séve, ce qui la vicieroit complétement si elle n’avoit pas encore un peu sa sortie par les branches, & sur-tout par les bourgeons. La greffe accélère encore les pousses, l’arbre cesse d’être naturel, il devient civilisé, & sa civilisation est l’origine de ses infirmités. La taille charge le tronc & les grosses branches d’une multitude de plaies, qu’on n’a pas le soin de recouvrir avec l’onguent de saint Fiacre, afin d’empêcher le contact de l’air avec la partie ligneuse, & afin de faciliter la formation du bourrelet ou cicatrice, à l’endroit où l’écorce a été coupée. Après la taille restent les onglets, les chicots, &c. ils se dessèchent, se pourrissent, & la pourriture gagne le centre de la branche mère ou du tronc. Ajoutez à toutes ces mauvaises manipulations la taille générale faite après la récolte des feuilles, & vous aurez un abrégé des maux produits par la main de l’homme, auxquels on doit principalement ajouter l’écoulement sanieux du chancre formé par le reflux d’humeur, & par une séve corrompue ou du moins qui se corrompt en suintant par la plaie. Il y auroit lieu de croire que la séve ascendante ne monte plus par la plaie, mais que cette plaie retient la séve descendante.

La rouille & la brûlure des feuilles sont des maladies accidentelles, passagères, & dont les arbres se ressentent quelquefois l’année d’après.

Souvent les feuilles du mûrier, au milieu du printemps ou de l’été, jaunissent, tombent, & l’arbre meurt