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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/653

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en est le rapide messager, qui la transporte & la répand au loin sur tous les corps animés. La cause prochaine de la peste est donc l’action du venin sur les solides, le développement de la pourriture de ces humeurs & de ce venin, & enfin son action sur les nerfs. Ces actions produisent l’éréthisme du genre nerveux, c’est de là que vient la pourriture. Sans cette disposition vénéneuse, les exhalaisons n’auroient aucune action sur le corps ; elles y restent long temps cachées & comme assoupies ; à la fin elles transpirent & se dissipent sans produire aucun ravage.

On doit comprendre dans les causes éloignées de la peste, tout ce qui est relatif à une mauvaise nourriture, à l’usage des viandes gâtées, aux mauvaises qualités de l’air, à son altération & à son infection, aux excès dans tous les genres, à la malpropreté, aux vives passions de l’ame, à la famine & à tous les désordres qu’elle entraîne ; à l’adversité, aux malheurs, aux chagrins, à la douleur, à l’intempérance, à l’oisiveté & à l’abus des six choses non naturelles.

La peste n’attaque point indifféremment tous les habitans d’un pays. Elle respecte certains états, certains âges & certain sexe. Dans une épidémie elle fera main-basse sur les personnes riches ; dans une autre, elle exercera sa cruauté sur les pauvres, les femmes & les filles, sur les jeunes & les vieux.

Les personnes foibles, d’un tempérament lâche & humide, sont plus sujettes à la peste que celles qui sont robustes. Mais aussi elle est toujours funeste à ces dernières. On a vu des gens qui s’étoient exposés pendant très-long temps aux dangers de la contagion, sans en être attaqués ; la recevoir de certains autres qui leur ressembloient par le tempérament ou qui leur étoient liés par le sang.

Les vieillards contractent plus difficilement cette maladie, parce que le principe vital étant chez eux affoibli, n’est pas assez vivement frappé par le délétaire pestilentiel.

Le danger de la contagion est toujours en raison de l’irritabilité des solides & des nerfs.

La grande révolution que les maladies chroniques opèrent sur certains malades, les rendent beaucoup moins susceptibles des impressions du miasme pestilentiel. C’est ainsi que les hypocondriaques, les hydropiques, les goutteux, les galeux, les vérolés, ceux qui ont des cautères coulans aux jambes, sont exempts de la peste. Elle peut être même le remède de certaines maladies. On l’a vue guérir des écrouelles très-rebelles.

La peste est d’autant plus dangereuse, qu’elle se complique avec d’autres maladies épidémiques, causées par les variations de l’atmosphère ou par les exhalaisons des marais : cette remarque est digne de quelque exception ; & pour en donner une preuve, on n’a jamais observé cette maladie à Alexandrette, ville d’Égypte entourée de marais, quoique les environs en soient continuellement infectés.

On a vu une épidémie de peste à Lyon, ravager bien moins les quartiers dont les rues étoient pleines de boue ; & dans la peste qui ravagea Londres, sous le règne de Charles II, les médecins conseillèrent d’ouvrir tous les tombeaux, ce qui réussit très-bien.