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Les guerres, les Longues maladies entraînent toujours après elles des maladies pestilentielles, ou du moins des fièvres malignes très-dangereuses. Il est encore moins surprenant de voir survenir une peste des plus affreuses après une famine extrême, où l’on a été forcé de déterrer les cadavres pour sucer la moelle de leurs os.

« Le prognostic de la peste est d’autant plus fâcheux que personne n’a encore donné ni la vraie cause, ni le remède de ce terrible mal, quoi qu’il existe un grand nombre de traités complets sur sa cause & la façon de le traiter. En effet, c’est de tous les maux le plus cruel. Tout frémit au seul nom de cette maladie. Plus funeste mille fois que la guerre, elle fait périr plus de monde que le fer & le feu. Ce n’est qu’avec horreur qu’on se représente les affreux ravages qu’elle cause. Elle moissonne des familles entières, elle n’épargne ni âge ni sexe. On voit périr également les vieillards, les hommes faits, les adultes, les enfans dans le berceau ; ceux même qui sont cachés dans les entrailles de leur mère, quoi qu’ils paroissent à l’abri de ses coups, subissent le même sort. Elle est même plus pernicieuse pour les femmes grosses ; & si l’enfant vient à naître, c’est moins pour vivre que pour mourir. L’air empesté leur devient fatal. La peste détruit le commerce entre les citoyens, la communication entre les parens. Elle rompt les liens les plus forts de la parenté & de la société. Parmi tant des calamités, les hommes sont continuellement prêts à tomber dans le désespoir.[1] »

Quand on considère avec attention la nature des différentes causes qui produisent par elles-mêmes, ou qui concourent à produire cette constitution épaisse & atrabilaire de la masse du sang qui cause la peste, il est aisé de voir & de sentir les moyens & les indications que l’on peut prendre pour se garantir de cette cruelle maladie. Tout le monde sait que la meilleur préservatif est de fuir & de couper toute communication avec les pestiférés ; d’aller respirer un air plus pur & plus sain dans des Lieux secs, éloignés de tous marais, de toute espèce d’étang, d’eaux stagnantes, & où les habitans vivent d’une manière frugale.

Mais, indépendamment des liens du sang & de l’amitié qui peuvent retenir, la magistrature & la médecine sont deux états qui prohibent la fuite. On peut dire que les médecins contractent moins la peste, tant par la grande habitude qu’ils ont de voir souvent les malades pestiférés, que par leur courage pratique & non raisonné.

Mais comme les habitans d’une ville ne sont pas tous également fortunés, & que l’espèce des biens qui les fait vivre dans un pays, ne leur permet pas de s’en éloigner pour aller vivre ailleurs, il importe de leur indiquer les moyens propres à prévenir & à corriger les mauvaises impressions que l’air qu’ils ne peuvent éviter de respirer, doit produire sur leurs humeurs. Il n’est aucun agent dans, la nature, plus énergique pour mettre

  1. Dictionnaire des Science, au mot Piste.