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four avec ces barreaux qu’on arrange avec soin & on couvre le dessus avec des gazons bien battus ; on en laisse seulement quelques-uns qui le sont moins, afin de pouvoir les enlever pour allumer le feu qui se met par le haut, ou pour le ranimer s’il venoit à s’éteindre.

Tous ces petits barreaux s’allument ; & quand on conduit bien l’action du feu, le goudron se rend dans la rigole, les impuretés s’arrêtent dans les entailles du pin qu’on y a couché, & la matière épurée se rend par la rigole dans le baquet. On termine l’opération par fermer exactement toutes les ouvertures du four ; & quelques jours après, on tire du fourneau le charbon qui s’y est formé. Cette manière d’obtenir le goudron, est une vraie distillation per descensum. (Consultez le mot Distiller, distillateur, distillation)

À Tortose en Espagne, on fait les fourneaux de la même forme qu’en Provence ; mais on y arrange tout le bois debout ; c’est-à-dire, perpendiculairement, & l’on ne ferme point le haut du fourneau ; c’est peut-être qu’on ne s’embarrasse pas d’en retirer le charbon, puisqu’on le laisse entièrement consumer ; je crois cependant qu’en suivant cette méthode, on perd aussi beaucoup de goudron.

On avoit envoyé à la Louisiane, des biscaïens pour enseigner aux habitans à faire du goudron ; mais la pratique que les colons suivent aujourd’hui, leur est plus avantageuse que celle qu’ils tiennent de leurs premiers maîtres.

1°. On choisit, pour établir le fourneau, un terrain en pente pour faciliter l’écoulement du goudron.

2°. On marque le centre du fourneau par un mât, fait d’un jeune pin d’environ dix-huit à vingt pieds de longueur & bien assujetti en terre.

3°. On emporte des gazons dans toute l’étendue des fourneaux, & on bat la terre pour l’affermir, comme lorsque l’on fait une aire pour battre le grain ; mais on fait en sorte de former le fond du fourneau en calotte renversée, & de ménager la pente vers une dalle de pierre qu’on place pour l’écoulement du goudron.

4°. On forme tout autour du fourneau, un rebord de terre glaise bien battue, d’un pied & demi ou deux pieds, pour retenir encore plus sûrement le goudron dans l’intérieur du fourneau.

5°. Vis-à-vis la dalle de pierre par laquelle le goudron doit s’écouler, on forme, avec de la glaise bien battue, des gouttières de cinquante à soixante pieds de longueur, qui vont aboutir à plusieurs trous ou réservoirs pratiqués dans la terre même, & qu’on révêt aussi avec de la glaise bien battue, afin que le goudron, qui doit s’y rendre par les gouttières, ne se perde pas dans la terre.

6°. On a soin que tous ces réservoirs soient d’égale grandeur, ou bien on en marque exactement les dimensions, afin de pouvoir connoître précisément de combien le goudron peut avoir diminué après que l’on y a mis le feu. Nous en expliquerons dans la suite les raisons.

7°. On ne doit charger le fourneau qu’avec du bois sec ; c’est pour cela que l’on préfère d’y employer les arbres morts qu’on trouve dans les forêts.

8°. On fend ces arbres pour les réduire en cotrets, à peu près comme font les boulangers pour chauffer