Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/764

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comme domestiques, pourvu qu’elle soit aussi ancienne que celle dont ils sortent : si le nombre des enfans n’est pas égal à celui des chefs à remplacer, ou qu’il y ait surabondance de l’un ou de l’autre sexe, alors on prend dans les communautés voisines les sujets qui manquent ; mais on s’adresse de préférence à celles avec lesquelles on a déjà des alliances contractées : car il est à remarquer que lorsqu’il est question d’une alliance nouvelle, on apporte beaucoup de délicatesse dans le choix du sujet : on veut non-seulement qu’il soit sain, laborieux, mais encore recommandable par l’antiquité de sa maison ; la noblesse la plus ancienne n’a pas plus de préjugé sur cet article. Un sujet sorti de sa maison natale, de quelque manière que ce soit, n’emporte avec lui qu’une légitime fixée sur la totalité des biens de la communauté, si les droits des divers partis sont égaux ; & sur les droits du père ou de la mère, s’il y a inégalité. Il paroît qu’anciennement, sans aucun égard pour cette inégalité, toutes les légitimes étoient fixées au même taux, & même un sujet une fois sorti, ne rentroit plus dans sa communauté ; mais aujourd’hui divers procès occasionnés pour de pareils droits réclamés, ont appris, au grand détriment de plusieurs maisons qui en ont été ruinées, que l’on pouvoit revenir contre la fixation de la légitime, & contre l’exclusion, triste effet de la lettre de notre loi municipale.

La communauté ainsi composée, se donne un chef appelé le maître, qui est chargé de la poursuite des affaires, marchés considérables, collectes des deniers royaux, paiemens des cens, rentes, dettes, &c. & de la direction des travaux. Dans les communautés considérables cette dernière partie a quelquefois un chef à part. On nomme aussi une maîtresse qui est chargée de veiller au détail intérieur du ménage, vente & achat des menues denrées, direction de l’ouvrage des femmes, &c. mais elle n’est jamais, autant que cela se peut, la femme du maître, afin de ne pas concentrer toute l’autorité dans un seul ménage. Tous les membres de la société, même les femmes, ont voix pour l’élection du chef, elle tombe toujours non sur le plus ancien, mais sur le plus capable, fût-il le dernier admis dans la maison, parce que l’on a bien éprouvé que c’est de ce choix que dépend le bien-être de tout le monde. Chacun lui obéit ainsi qu’à la maîtresse. Les filles ne sont pas exclues de cette dernière dignité, mais cela suppose en elle des qualités prééminentes, & qu’ayant eu de bonnes raisons pour ne pas se marier, elles ont à elles seules une portion entière des biens de la communauté ; le déshonneur suprême est d’être révoqué lorsqu’une fois on a été choisi pour l’un de ces empois, mais ces cas sont très-rares.

D’après cela, on voit qu’il est peu d’époques où la société soit composée de membres toujours en état de travailler, aussi les jeunes gens sont-ils occupés de ce qu’il y a de plus pénible ; les vieillards font les ouvrages moins fatigans & plus à portée de la maison, ils sont chargés de la garde des enfans trop jeunes pour rendre service, & cependant personne ne souffre ; chacun aide, suivant ses forces, à porter le fardeau commun, & se trouve sans murmurer, dès le