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le sucre, &c. L’air est aussi un principe constituant de toute cristallisation, puisqu’on ne peut opérer celle-ci dans le vide ; un des grands principes même de la raffinerie du sucre, suivant la méthode nouvelle de M. Boucherie, est d’exposer à l’air le sucre d’une qualité inférieure ; c’est-à-dire, celui dont les cristaux sont petits & peu prononcés : c’est ce qu’on pratique en versant le sirop très-rapproché dans de grands baquets qui présentent une grande surface à l’air : on augmente encore le point de contact avec cet élément en remuant souvent cette masse sous forme saline ; quelques jours après, si on reprend ce même sucre & qu’on le soumette de nouveau à l’évaporation & aux autres procédés ordinaires, pour ne lui laisser que la quantité d’eau nécessaire, on obtient un sucre très-bien cristallisé, & de la meilleure qualité. Le refroidissement, enfin, est une circonstance essentielle que personne n’ignore.

On ne doute point, depuis longtemps, que toutes les espèces de concrétions de l’eau, ne soient de véritables cristallisations ; mais on doit remarquer que les circonstances les plus favorables se réunissent pour la formation de la neige ; elle vient de l’eau des nuages qui est dans une très-grande division, & qui offre une grande surface au contact de l’air. Ces amas de vapeurs ou d’exhalaisons sont suspendues à différentes hauteurs, & sont transportées librement par les vents dans l’atmosphère ; c’est un refroidissement qui vient les saisir avant qu’elles se soient réunies en grosses gouttes. Rien ne manque au concours des causes propres à seconder la cristallisation ; c’est l’eau elle-même qui entre comme principe constituant de toute forme de cristaux salins, & qui semble, à ce titre, devoir posséder à un degré éminent cette qualité ; elle est dans un état de division extrême, & par conséquent elle présente une grande surface à l’air, & peut s’en pénétrer pour prendre une forme concrète. Le refroidissement se conclut aisément par la saison même dans laquelle paroît la neige.

Le caractère particulier des flocons de neige doit offrir nécessairement plusieurs points de ressemblance avec les autres formes que prend l’eau dans toute autre espèce de congélation. Les variétés dont ils sont susceptibles ne peuvent venir que de la promptitude ou de la lenteur du refroidissement, ainsi que des autres causes qui concourent à la cristallisation. Ces flocons ne sont quelquefois que comme de petites aiguilles, quelquefois ce sont de petites étoiles hexagonales qui se terminent en pointes fort aiguës, & qui forment ensemble des angles de soixante degrés. Il arrive ainsi que le milieu du corps de l’étoile est plus épais & se termine en pointes aiguës. M. Muschembroek dit avoir vu dans une autre occasion des flocons exagones composés de rayons fort minces, qui étoient comme autant de branches d’où il en partoit encore d’autres, ce qui donnoit à l’ensemble la forme d’un arbre. MM. Cassini, Erasme, Bartholin & d’autres observateurs ont remarqué encore d’autres variétés accessoires. Le passage subit d’une température moyenne de l’atmosphère à un froid plus ou moins vif, doit nécessairement influer sur la forme de la neige.