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terre grossière, semblable à celle des marécages, & propre à la végétation. C’est là que coulent des torrens d’une eau froide qui provient de la fonte des neiges : on trouve encore au-dessus, d’autres lieux montueux & couverts de l’espèce de lichen dont se nourrissent les rennes : il y a enfin, avant d’arriver aux sommets glacés de ces montagnes, d’autres lieux élevés où croissent aussi les plantes des Alpes.

Tout l’adossement donc de ces montagnes qui est compris entre les sommets recouverts de neiges éternelles, & les bases où croissent les forêts, est le vrai champ de la végétation, de ce qu’on appelle les plantes alpines, telles que sont différentes espèces d’héracleum, l’angélique, le sonchus, l’eringium & plusieurs plantes de la classe de la tétradynamie. Ces lieux sont couverts de neige jusqu’au solstice d’été : elle se fond alors par la chaleur du soleil dans sept à huit jours. La végétation est si prompte, que dans la semaine suivante les campagnes sont couvertes de verdure : il ne faut pas plus de tems aux plantes pour parvenir à leur juste grandeur. Huit jours de plus suffisent pour les faire fleurir & pour les porter au plus haut degré de vigueur. Le même espace de temps fait parvenir les fruits à leur pleine maturité. À peine ont-elles donné leur semence, que les nuits très-froides & les neiges annoncent le retour de l’hiver. Ainsi, ce pays ne jouit que d’un été d’environ six semaines, sans être précédé du printemps, ni suivi de l’automne. Il ne peut y croître & subsister que l’espèce de plantes qui, dans ce court intervalle, sont de nature à germer, fleurir, porter des fruits & les mûrir. L’hiver suit immédiatement l’été, & fait succéder la gelée aux chaleurs : il tombe aussitôt une grande quantité de neige qui s’y accumule à une grande hauteur ; elle couvre la terre qui n’est point encore glacée, & la défend du froid rigoureux qui doit succéder. Les plantes alpines, quoique dans un climat très-âpre, ne reçoivent aucune atteinte, & leurs racines se conservent sous la terre. Ces mêmes plantes reçoivent plus de dommage de la gelée dans nos climats tempérés, parce que souvent dans nos jardins, elles ne sont pas défendues par une enveloppe extérieure de neige, & les gelées de la nuit les font périr.

Si la neige ne se fond pas lentement, elle peut nuire aux végétaux : rien n’est plus pernicieux aux plantes & aux arbres que la neige, qui, séjournant sur la terre, fond en partie le jour, pour se geler de nouveau la nuit. Il en est de même de la neige qui succède à de fortes gelées : on voit sur-tout les tristes suites de ce renversement de l’ordre naturel en Laponie, lorsque ce cas rare survient. En général, les rennes, pendant l’hiver, parcourent les neiges, & y subsistent comme les autres animaux dans de gras pâturages : leur industrie leur fait trouver au dessous de cette congélation, l’aliment qui leur convient : la peau très-dure de leur museau & de leurs pieds suffit pour rompre la croûte glacée qui couvre la neige, & ils vont chercher au-dessous, l’espèce de lichen qui est destiné à leur servir de nourriture. Mais s’il arrive, ce qui est rare, que l’hiver commence par la pluie, la terre se cou-