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ne pas trop les multiplier afin de palisser sans peine & sans confusion les bourgeons qu’elles pousseront ensuite, & qui, à la seconde année, deviendront autant de branches à fruit.

Ne craignez pas d’épuiser l’arbre, tirez sur les côtés extérieurs les bourgeons dans presque toute leur longueur ; c’est-à-dire ne les retranchez pas, suivant la coutume des jardiniers ordinaires, à un ou deux yeux, mais ne les retranchez qu’à l’endroit où ce bourgeon commence à diminuer de grosseur ; c’est ce qu’on appelle tailler du fort au foible. Quant aux deux branches diagonales, c’est à-dire celles formant l’Y, à moins qu’elles ne soient trop foibles, laissez-leur toute leur longueur de pousse ; il est aisé de concevoir que l’arbre conduit de cette manière, occupe dans peu de temps beaucoup d’espace, & qu’il couvre plutôt un mur que par la méthode ordinaire. Pour ainsi dire livré à lui-même, les canaux directs de la sève abattus, il ne travaille pas inutilement en bois gourmands qu’il faut abattre chaque année, & tout son travail & toutes ses pousses lui profitent. Non, vous n’épuisez point l’arbre, quoiqu’en disent les jardiniers communs. La preuve en est qu’il ne pousse que suivant sa force, & qu’il ne pousse pas du bois pour vous donner le plaisir de le couper suivant la méthode ordinaire.

La beauté de l’arbre & de sa forme dépend de sa conduite pendant les deux ou trois premières années ; ce sont les bourgeons secondaires placés ensuite sur ceux de la première ou seconde année, qu’il est important de bien ménager & de bien palisser. C’est d’eux que dépend le garnissement, si je puis m’exprimer ainsi, du vide qui resteroit sans eux entre les branches ; ainsi qu’on le voit sur tous les arbres que nos jardiniers de province appellent taillés à la Montreuil ; c’est de chaque côté un amas de branches inclinées & presque nues, & sur lesquelles en apperçoit par-ci par-là quelques boutons à fruit. Ces branches sont trop rapprochées, & en n’a pas eu soin dans le temps de palisser à propos les premiers bourgeons. La trop grande quantité de branches parallèles, épuise l’arbre, rend sa forme désagréable, & s’oppose à la projection des nouveaux bourgeons, excepté vers leur extrémité. Si on en supprime quelques-unes, ou en totalité ou en partie, on force l’arbre à donner du bois nouveau qui, bien ménagé, garnira les places vides.

Depuis quelques années on a introduit une nouvelle taille appelée en quenouille, c’est à dire qu’on plante l’arbre tel qu’il sort de la pépinière, & qu’on lui laisse toutes ses pousses de côté, que l’on raccourcit seulement un peu pour lui donner la forme d’une pyramide dont la base est plus large & le corps va toujours en diminuant jusqu’au sommet. Cet arbre bien conduit produit un joli effet & se charge prodigieusement de fruits. Son grand défaut est de ne pas vivre long-temps, & petit à petit de ne plus pousser de boutons à bois pour peu que le sol soit ingrat ou maigre.

On a encore taillé les poiriers en portiques ; c’est à dire que le montant forme un pilastre d’un pied & demi à deux pieds de chaque côté de l’arbre ; & à la hauteur de sept ou de huit, commence la naissance des branches pliées en arceaux pour