Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/193

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former le ceintre, & ensuite la hauteur qu’on donne à la partie taillée pour établir le couronnement. Cette taille suppose que tous les arbres sont à peu près de la même force, de la même végétation, sans quoi un portique seroit très-bien garni d’un côté & très-peu de l’autre. Il faut de toute nécessité établir un treillage figuré en portique afin de donner aux branches la position qu’on désire. Pendant les premières années ce genre de symétrie est agréable à la vue ; mais peu à peu les branches du pilastre rabougrissent & meurent. Enfin le sommet dévore la subsistance de la partie inférieure, parce que l’on veut trop tôt jouir, trop tôt garnir le treillage par des branches droites ; mais si on avoit soin de les incliner, & d’interrompre tout canal direct de la sève, ces portiques subsisteroient bien plus long-temps & dédommageroient le propriétaire pendant longues années de la dépense du treillage & des soins qu’il a donnés. Un semblable portique, quand il est bien entretenu, se charge de beaucoup de fruit & offre le plus joli des spectacles, parce que le fruit est peu recouvert par les feuilles. Le fruit jouit presque de la qualité des arbres à plein vent. Je ne conseille ce genre d’occupation qu’aux personnes très-accoutumées à conduire des arbres, & qui savent les conduire d’après des principes sûrs & que ne leur donnera jamais une routine aveugle.

La meilleure taille des poiriers est & sera toujours celle qui saura le plus sagement conserver les bourgeons dans toute leur force, & qui n’épuisera pas l’arbre en lui abattant chaque année une quantité de bois pour lui en faire reproduire autant l’année d’après. L’arbre vous dit, étendez, étendez toujours, je ne vous demande pas autre chose ; par ce moyen je tapisserai moi seul un mur de plus de 40 pieds de face sur 10 à 12 de hauteur, & je vous donnerai plus de fruits que sept arbres qui chez vous occupent le même espace.

Je n’ai cessé, dans tout le cours de cet Ouvrage, de me récrier sur le peu d’espace qu’on laissoit d’un arbre à un autre. Tous les pépiniéristes marchands d’arbres m’ont blâmé, & ceux qui ne savent pas juger par eux-mêmes, mais seulement d’après les autres, ont encore crié plus haut ; ils sont bien les maîtres de se laisser aveugler ; cependant, pour dernière tentative & en leur faveur, je vais copier quelques pages du Dictionnaire des Jardiniers, que le célèbre Philippe Miller, jardinier de Chelséa, imprima à Londres, après 40 ans d’expérience. C’est l’auteur qui parle.

« Ces arbres, (les poiriers) doivent être plantés contre des murailles, ou en espalier, à 40 pieds au moins de distance, parce que s’ils n’ont point assez de place pour s’étendre de chaque côté, il sera impossible de les conserver en bon ordre, principalement ceux qui sont greffés sur franc ; car plus les arbres sont taillés & plus ils poussent, ainsi que je l’ai observé. D’ailleurs, comme plusieurs espèces de poiriers produisent leurs boutons à fleur aux extrémités des branches de l’année précédente, en les taillant & en les raccourcissant tout le fruit est jeté bas ; ce qu’on ne peut éviter, si on ne donne pas assez de place aux poiriers en les plantant. »

» Je ne doute pas que cette distance