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choix & l’emploi des remèdes qu’il faut administrer, 1°. pour diminuer & affaiblir la force du poison ; 2°. pour en procurer la plus prompte évacuation possible ; 3°. pour neutraliser les portions qui peuvent séjourner dans l’estomac & autres viscères.

1°. On fera boire abondamment de l’eau chaude avec de l’huile d’olive, à ceux qui auront avalé du poison ; à la place de l’huile, on pourra donner le lait pris en très-grande quantité, ou du beurre frais fondu & étendu dans une tisanne mucilagineuse, telle qu’une infusion de graine de lin, de racine de guimauve ; par le moyen de ces remèdes, on parvient à émousser l’activité de l’arsenic, on prévient & on s’oppose à l’érosion qu’il pourroit exciter sur les tuniques intérieures de l’estomac & des autres viscères.

On excite même par ces boissons le vomissement. Si néanmoins il n’étoit pas efficace, & qu’il eût lieu d’une manière incomplète, on le provoquera en donnant aux malades une dose assez forte d’ipecacuana, ou bien quelques cuillerées d’oximel, ou de vinaigre scillitique avec l’eau qu’il boit. On lui fera prendre souvent des lavemens émolliens & huileux.

Si le pouls est fort, & les douleurs violentes, sans foiblesses, ni syncopes, on peut faire saigner du bras le malade ; on peut faire usage du loock blanc de la Pharmacopée de Paris, ou de celui dont nous allons donner ici la formule, & que l’expérience à montré très-propre à absorber les particules corrosives du poison. Prenez d’huile d’amandes douces, trois onces ; d’écailles d’huîtres préparées, trois dragmes ; de gomme-adragant dissoute dans de l’eau, demi-once, & battue avec deux jaunes d’œufs ; de sirop de guimauve, une once ; mêlez le tout ensemble pour faire un loock. On en donnera au malade deux ou trois cuillerées à la fois.

Si enfin ces substances n’émoussent point la causticité du poison, on fera fondre dans la boisson un gros par pinte de sel alcali de soude, ou de tartre ; & si l’on ne pouvoit se procurer de ce sel assez promptement, on prendroit sept à huit poignées de cendres que l’on jetteroit dans une pinte d’eau chaude, & après les avoir agitées & laisse précipiter, on feroit boire de cette eau alcalisée, éclaircie avec l’addition d’un peu de sucre. On peut encore, dans ce cas, faire fondre du savon rapé dans de l’eau chaude de rivière, ou de pluie.

Lorsque l’inflammation est parvenue à un certain degré, l’eau de poulet, le petit lait, l’infusion de mauve, les fomentations émollientes deviennent nécessaires. Mais ces secours administrés, on se procurera le plutôt possible de l’hépar, soit calcaire, soit salino-alcalin, soit martial, faits par fusion. M. Navier, dans son excellent Ouvrage des Contre-poisons de l’arsenic, du sublimé corrosif, &c. a fort bien observé que les hépars obtenus par fusion, étant plus chargés de soufre, convenoient mieux lorsque le poison étoit encore dans les premières voies.

On en fera fondre un gros dans chaque pinte d’eau, un peu plus, un peu moins, selon que le malade pourra en boire plus facilement, car il faut qu’il en boive abondamment. Il est essentiel qu’il le boive bien