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observant de laisser entre ces rigoles une distance d’un pied, & de les bien recouvrir. Quand la plante a quelques pouces d’élévation, on la transplante, si elle a été semée sur couche, à 8 ou 9 pouces de distance, ou bien on se dispense de cette opération ; si c’est en pleine terre, on se borne seulement à les éclaircir de manière que dans tous les cas il y ait neuf à dix pouces d’intervalle entre chaque pied ; on les butte ensuite à la manière ordinaire, & lorsque le feuillage commence à jaunir, on procède à la récolte avec les précautions indiquées.


Avantage des semis.

Ils donnent la faculté d’envoyer d’une extrémité à l’autre du royaume de quoi propager les bonnes espèces de pommes de terres, de rajeunir celles dont le germe est fatigué, d’augmenter le nombre de leurs variétés, de prévenir leur dégénération, de les acclimater, d’obtenir enfin davantage & de meilleures racines ; c’est sans doute ainsi que la nature s’y prend pour produire ces effets. Il reste toujours sur terre, après la récolte, des baies qui échappent aux rigueurs de l’hiver ; leurs semences germent au printemps & se confondent avec la plantation nouvelle. On a eu par ce moyen, en différens endroits, dès la première année, des pommes de terre de l’espèce blanche, qui pesoient jusqu’à vingt-quatre onces, & des rouges longues de quatre à cinq onces ; mais en général, elles sont petites la première année & ne sont en plein rapport que la troisième. M. de Chancey a remarqué que dans une planche de cent cinquante pieds quarrés, le produit s’est monté à cent soixante-quatre livres de racines, indépendamment des pieds semés trop dru qu’il a fallu arracher & transplanter.


Section XVI.

Double récolte.

La plupart des végétaux n’admettent pas ordinairement parmi eux d’autres plantes de genre différent, du moins cette admission n’est pas exempte de quelques reproches assez fondés : le succès que j’ai obtenu en semant du mais dans des planches de pommes de terre, a déterminé M. de Chancey à essayer de son côté la concurrence de ces deux productions, & l’arpent bêché, fumé & planté ainsi, a produit mille cinq boisseaux de pommes de terre, tandis que la même étendue de terrain qui lui servoit de pièce de comparaison n’en a donné que sept cent cinquante-trois, indépendamment de la récolte de mais dont les pieds sont devenus aussi forts & aussi vigoureux que s’ils avoient été plantés seuls. On peut après la récolte du colza, du lin & d’autres productions hâtives, planter encore des pommes de terre & obtenir des doubles récoltes. M. de Chancey a fait cette expérience pendant trois années consécutives, dans le même champ qu’on bêche & qu’on fume tous les ans ; mais il faut convenir que, pour jouir constamment des avantages des doubles récoltes dans la même pièce, il est nécessaire de supposer un excellent terrain, une saison très-favorable, & compter encore sur trois mois de végétation ; car, là où les gelées blanches commencent à se manifester dès les premiers jours de septembre, la