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récolte ne dédommagèrent pas des frais de culture.

Immédiatement après qu’on a donné aux pommes de terre la dernière façon, c’est-à-dire qu’on les a buttées, on peut semer des raves sur une ligne droite tracée entre les rangées vides ; cette plante en sortant de terre est fort délicate ; le hâle & la sécheresse la détruisent fort souvent ; sa première feuille est la plupart du temps la proie des insectes ; les rameaux de la pomme de terre couvrant la jeune plante, la préserveroient de cet accident, entretiendroient la fraîcheur & l’humidité de la terre ; les raves ainsi plantées n’entraînent aucun embarras. Mais de toutes les plantes qu’on peut faire venir ainsi dans les entre-deux des pommes de terre, après qu’elles sont buttées, celle qui semble réussir le mieux, est le chou tardif, principalement le chou cavalier ; il monte fort haut & est d’une bonne ressource pour les vaches & les brebis ; mais il faut que ces entre-deux devenus sillons, soient fumés & labourés à la bêche, la terre renversée par la récolte des pommes de terre rechausse la plante, & les racines une fois enlevées, il ne reste plus que le plant de choux ou de raves en pleine vigueur.

Au reste, je ne doute pas que dans les cantons où la pomme de terre se récolte de bonne heure, l’espèce hâtive ne puisse être plantée deux fois dans la même année, qu’on ne puisse encore, après la récolte ordinaire, faire succéder aussitôt du seigle pour le couper en vert au printemps, & s’en servir comme fourrage, planter ensuite des pommes de terre, obtenir encore par ce moyen deux récoltes du même champ. Les expériences que j’ai faites ne me permettent pas de douter de cette possibilité, comme aussi de penser que les pommes de terre réussissant à l’ombrage des arbres qui ne sont pas trop touffus, elles ne puissent être plantées dans les châtaigneraies, & servir de ressources aux habitans des cantons qui vivent une partie de l’année de châtaignes, lorsque ce fruit à manqué ; mais il faut des bras, des soins, de l’engrais, & un sol approprié, avantages qui ne se trouvent pas réunis dans tous les cantons.


Section XVII.

Rapport ordinaire des Pommes terre.

Tout ce qui vient d’être exposé en faveur de l’extrême multiplication des pommes de terre & de leur force végétative, démontre en même temps que cette plante peut parer à une foule d’événemens fâcheux, & & que quelques arpens qui en seroient plantés, suffiroient dans un temps de disette pour procurer à un canton entier de quoi subsister jusqu’au retour de l’abondance ; quelques exemples pris au hasard dans la multitude des faits attestés par les autorités les plus recommandables, & que l’expérience justifie tous les jours, en offriront de nouvelles preuves.

Les ouvrages périodiques ne sont remplis que d’observations qui annoncent qu’un seul morceau de pomme de terre, pourvu d’un ou de deux œilletons, a produit trois cents tubercules & plus, depuis la grosseur du poing jusqu’à celle d’un œuf de