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les feuilles qui sont en état de l’éprouver, il faut que les fibres qui sont à leur base, aient acquis la solidité requise. En effet, lorsque les jeunes feuilles sont une fois ébranlées, elles se ferment à l’instant qu’on les touche, mais le pédicule n’éprouve cet effet qu’après qu’il a acquis plus de force. Le tact, quelque rude qu’il soit, n’agit sur le pédicule que lorsque la jeune feuille est développée ; d’où il suit qu’il faut, pour que les fibres situées à la base des lobes, & celles qui sont au sommet de la principale tige, se meuvent, qu’elles aient acquis leur consistance. Comme les fibres ont besoin d’une certaine solidité pour être susceptibles de mouvement & pour le transmettre, il faut aussi un concours de circonstances favorables pour les maintenir dans l’état où elles doivent être pour agir. Le froid durcit les fibres & les rend moins susceptibles de mouvement ; de là vient que la sensitive perd une partie de sa sensibilité lorsqu’on la tire de sa serre.

Une obscurité totale fait plus d’impression sur la sensitive que le tact le plus rude ; celui-ci ne fait que fermer les feuilles séparées, & recourber leurs pétioles ; les deux feuilles restent écartées l’une de l’autre. L’effet de l’obscurité est infiniment plus fort ; les deux feuilles se collent & paroissent n’en former qu’une. Cela prouve que l’expansion de ces parties dépend entièrement de l’effet de la lumière, & que, quoiqu’on puisse la retarder par le moyen d’un coup violent, il n’y a que l’obscurité qui puisse l’empêcher.

Une preuve que le toucher n’affecte les feuilles qu’en leur imprimant un mouvement plus grand que leur vibration interne, c’est que lorsque l’on se contente de les toucher avec le doigt sans les remuer, elles ne se ferment point, & que le contraire arrive lorsqu’on les agite. Si on secoue le pot sans toucher la plante, les feuilles se ferment, & leurs pétioles se courbent ; le vent produit le même effet.

Dans les pays orientaux, les feuilles de la sensitive sont étendues, non point à cause de la chaleur, mais parce que la lumière y est forte. Dans les contrées du nord elles se ferment, non point parce qu’il y fait froid, mais parce que le jour est plus foible. Elles se ferment pareillement dans les temps pluvieux, non point à cause qu’il fait humide, mais parce que le temps est sombre. Si elles restent ouvertes en égypte, c’est moins parce qu’il n’y pleut jamais, que parce que le temps y est toujours serein. Pour se convaincre de ce que j’avance, on n’a qu’à placer l’abrus sur une fenêtre exposée au midi, on verra que l’expansion & l’élévation de ses feuilles sont toujours proportionnées au degré de la lumière, qu’elles se ressentent également du beau & du mauvais temps, quoiqu’on laisse la plante dans le même endroit.

Les feuilles commencent à s’ouvrir avant que le soleil soit au-dessus de l’horizon, parce que l’air est éclairé à proportion ; elles commencent à se fermer avant qu’il soit couché, parce que la fenêtre dont on parle, étant au midi, la plante se trouve dans l’ombre que forme le bâtiment. Dans les temps pluvieux les plantes se ferment de meilleure heure le soir & s’ouvrent plus tard le matin.

Lorsque la sensitive a été pendant quelques jours hors de la serre,