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négligente ou sans intérêt. Il est constant que le produit est médiocre lorsque la basse-cour est réservée au propriétaire ; & qu’il est assuré dans les mains du fermier ou du maître valet lorsqu’elle est pour leur compte.

Sans cette précaution, des nichées entières périront. Tantôt les chiens, les chats, les oiseaux de proie, auront dérobé les petits & leurs mères ; on dira que les poules ne pondent plus ou qu’elles pondent peu, &c. Qu’on ne se laisse pas tromper par ces raisonnemens, rien n’est perdu, sinon pour les propriétaires qu’on cherche, par tous les moyens possibles, à dégoûter de la propriété de la basse-cour. Je dirai à tout propriétaire vivant sur ses terres : si vous n’avez pas une personne à votre main, & sur laquelle vous puissiez compter comme sur vous-même, & qui soit en outre active & intelligente, affermez votre basse-cour, & dans le bail à ferme spécifiez qu’on vous donnera tant d’œufs par semaine, tant de poules, tant de poulets, &c., à telle époque. Sans cette précaution, vous les recevrez tous à la fois, c’est-à-dire dans le temps où les poules pondent beaucoup ; mais il faudra vous en passer lorsque les œufs commenceront à devenir un peu rares & à se vendre un peu plus cher au marché. Il en sera de même de la volaille qu’on aura retenue.

La ponte des œufs ne dure pas autant au nord qu’au midi de la France. Ici, elle recommence de meilleure heure, c’est-à-dire en janvier, & continue jusqu’en septembre ; là, elle ne se renouvelle qu’en mars, & subsiste jusqu’aux premières froidures. Sans la vicissitude des saisons, les poules pondroient pendant toute l’année, excepté durant l’époque de leur mue.

On peut donc se procurer une plus grande quantité d’œufs pendant l’hiver, si on établit le poulailler près ou derrière un four, & si à la nourriture ordinaire on ajoute du chenevis ou de l’avoine. Cette assertion est prouvée par le fait ; il suffit de jeter un coup d’œil sur une ou deux poules, soignées dans les villes ou dans les villages par les pauvres femmes ; il est très-rare qu’elles ne pondent chaque jour. J’ai vu une femme qui chaque soir avant que la poule fût se hucher, & pendant l’hiver, lui chauffoit fortement le derrière, & chaque jour elle donnoit un œuf. Il ne faut pas craindre que ce procédé épuise une poule ; on produit par art ce que la nature feroit si les circonstances étoient égales.

L’état dans lequel le trouve la poule dont on attend les œufs pour les faire couver, n’est pas indifférent. Si elle fuit les approches du coq, elle n’est pas allez échauffée ; si elle l’est trop, elle s’accroupit devant lui pour être cochée sans qu’il la sollicite. Dans ces deux cas, plusieurs œufs de la couvée manqueront. Dans le premier, il convient de l’exciter par la graine de chenevis ou par l’avoine qu’on ne lui épargne pas ; dans le second on supprime toute espèce de grains, & on tient la poule à la nourriture des herbes cuites & rafraîchissantes, & on lui prodigue la laitue fraîche & telle qu’on vient de la cueillir. La bonne ménagère ne manque pas à ces petites attentions, & elle étudie la manière d’être de ses poules. Il est confiant que celles qui ont couché pendant tout l’hiver dans un lieu chaud, qui ont été bien nourries au grain, sont les pre-