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remplis de séve ; un coup d’ongle donné à l’écorce, en fournit la preuve la plus complette. La même expérience apprend encore, qu’après les pluies l’écorce est plus tendre & plus humectée ; que pendant & après quelques jours de gelée, l’écorce, l’aubier, & la partie ligneuse, font donc l’office d’éponge ; mais cette humidité extérieure qui pénètre dans les conduits séveux, doit donc, jusqu’à un certain point, se mêler avec la séve, & peut-être la vicieroit-elle sans l’évaporation, & sur-tout sans la transpiration. Pendant la gelée il n’y en a point, ou très-peu, si elle existe ; mais elle s’établit ensuite, ce qui est prouvé par l’état de l’écorce, qui devient plus molle & plus humide. Si sur une tige d’arbre, jeune & lisse, on place une ou deux feuilles de papier gris ; si on recouvre ce papier avec une toile ou taffetas ciré, dans la vue de garantir le papier de l’humidité de l’air, on le trouvera, au bout de quelques jours, bien plus humide qu’il ne l’étoit lorsqu’on l’a placé. D’où lui vient donc cette humidité, sinon de la transpiration de la tige ?

En outre, en admettant un amas de séve dans les racines, elle monte dans le tronc comme l’eau dans les tubes capillaires, tant que le froid ne resserre pas le diamètre de ses canaux, & le surplus, qui ne peut être consommé par la végétation des feuilles, puisque le peu de chaleur de l’air ambiant s’y oppose, est rejeté par la transpiration.

On voit donc par là pourquoi la reprise de l’arbre planté dans les climats du midi, aussitôt après la chute des feuilles est assurée, & combien cette plantation précoce accélère la végétation du printemps, puisqu’elle n’a, pour ainsi dire, pas cessé dans les racines, & qu’elle a presque toujours eu lieu (à sa manière) dans le tronc ; ce fait est si vrai, que si vous plantez deux arbres (en supposant toujours que ce soit dans le climat du midi) l’un après la chute des feuilles, & l’autre en février ou en mars, le premier poussera des bourgeons plus de 15 jours avant le second. C’est donc une preuve démonstrative qu’il y a eu pendant l’hiver une espèce de végétation, quoique insensible à la vue ; car la séve ne s’insinue pas tout d’un coup dans les conduits, comme l’eau d’une seringue poussée dans un boyau, ou par une injection.

La seconde conséquence pour les provinces du nord, où les froids sont très-rigoureux, & les pluies abondantes, est que l’on fera très-bien de différer les plantations jusqu’au mois de février ou de mars, chacun suivant son climat, ou, ce qui vaut encore mieux, jusqu’au moment oh l’expérience habituelle prouve que l’on n’a plus à redouter les grandes gelées.

L’évaporation, la sécheresse & les chaleurs sont si fortes dans les climats méridionaux, que si l’on plante en février, il est très-prudent de donner sur le champ une forte mouillure à l’arbre mis en terre. Il faut également l’arroser de quelque nature qu’il soit, (celui planté en terrain naturellement humide excepté) deux à trois fois dans le cours de l’été, ou au moins une, si après l’irrigation on a eu le soin de serfouir la terre de la superficie, & de la couvrir d’un à deux pouces avec