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l’écorce & le bois de la racine étant spongieux & tendres, éprouvent des contusions, ou plutôt il n’en règne qu’une générale, sur toute leur longueur, & les racines ainsi comprimées & altérées dans leur contexture, ont beaucoup de peine à se remettre, & n’ont presque plus de moyens d’attirer la séve & de la pousser jusqu’au sommet du tronc, pour y produire de nouvelles branches. La végétation souffre, languit ; la chaleur survient, & l’arbre est perdu.

De ces assertions relatives au climat, la conséquence à tirer, est que dans les provinces du midi, ou cantons rendus tels par leur position, on doit planter aussitôt après la chute des feuilles ; 1°. parce qu’il reste dans le tronc de l’arbre un fonds de séve qui sera le premier mis en jeu au renouvellement du printemps ; 2°. parce que la végétation étant toujours en raison du degré de la chaleur ambiante, (consultez les expériences de M. Duhamel, rapportées au mot Amandier) les racines travailleront pendant l’hiver, pomperont les premiers élémens de la séve ; mais comme ce degré de chaleur n’est pas le même hors de terre, cette séve s’arrêtera au collet des racines, & se mettra en mouvement en s’unissant avec celle du tronc, dès que la chaleur atmosphérique correspondra au point nécessaire à sa végétation. Tout le monde a dû observer que le degré de chaleur qui fait épanouir les feuilles du sureau, du groseiller épineux, du pêcher, de l’amandier, &c. n’est pas le même que celui qui fait épanouir celles du chêne, du noyer, du châtaignier, du mûrier, &c.

La preuve que même, malgré les froids & les gelées d’hiver, il reste une assez grande quantité de séve dans le tronc des arbres, c’est que si en janvier, en février, ou en mars, on abat, par exemple, un peuplier blanc ou noir, un saule, &c. son tronc quoique abattu, ne laissera pas de produire quelques bourgeons dans le cours du printemps, & ces bourgeons s’allongeront tant qu’il restera un peu de séve dans le tronc. On doit cependant observer que la séve dont il est ici question, n’est pas l’unique principe de la végétation. Dès que le bourgeon a commencé à pousser, il a absorbé les principes répandus dans l’atmosphère, & il est bien prouvé que les plantes & les arbres se nourrissent autant par leurs feuilles que par leurs racines ; mais cette vie, cette existence n’a lieu qu’autant qu’il y a entre la séve & les principes répandus dans l’atmosphère, une correspondance mutuelle ; à mesure que le principe séveux diminue dans le tronc, les bourgeons cessent en proportion d’attirer les principes de l’atmosphère. Il est rare de voir ces pousses subsister jusqu’au milieu des grandes chaleurs.

Cette petite discussion n’est point étrangère à notre objet ; mais dira-t-on, que devient le surplus de la séve, accumulée dans les racines, puisqu’elle ne monte pas dans le tronc de l’arbre planté avant l’hiver ? Je vais hasarder quelques conjectures, & je ne les donne que comme telles.

L’expérience apprend (dans les climats du midi) que des arbres plantés aussitôt après la chute des feuilles, sont pendant tout l’hiver