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médiocre, & sur-tout s’il est susceptible d’être arrosé à volonté. S’il est mauvais & arrosable, il vaut mieux récolter quelque chose que rien du tout, & on corrigera la médiocrité du fourrage par une livraison de grain un peu plus forte aux chevaux & au betail. Lorsqu’on a la facilité d’arroser, il n’est plus aussi nécessaire que la couche de terre ait une grande épaisseur, parce qu’elle n’a plus le même besoin de retenir autant l’eau que la prairie non arrosée ; mais si l’une ou l’autre, comme les argiles, par exemple, conservent trop l’eau, dé-lors le fourrage est mauvais & la prairie argileuse, non arrosée, est détestable s’il survient des sécheresses. C’est donc de la manière de conserver plus ou moins l’humidité, que les prairies sèches ou arrosées sont bonnes ou mauvaises, & c’est cette manière d’être, & cette qualité du sol, que le propriétaire doit connoître à fond avant de le déterminer à convertir son champ en prairie.


Section II.

De la préparation du sol.

Le but que se propose le cultivateur, décide le genre de travail. Il doit semer une graine très-fine, très-légère & qui craint d’être enterrée profondément, parce qu’elle ne germeroit pas ; des-lors il doit donc rompre entièrement le sol, & mettre toute son attention a ce que ses molécules soient réduites à la plus grande divisibilité dont elles sont susceptibles. Il y a plusieurs moyen, mais tous sont dispendieux, & c’est avec peine que l’on parvient, suivant l’expression d’Olivier de Serres, à établir la pièce glorieuse du domaine[1].

Pour partir du principe, supposons un champ susceptible d’irrigation & actuellement couvert d’une récolte en froment ou en seigle. Lorsque le temps de la récolte sera venu, on préviendra les moissonneurs qu’ils aient à couper la paille fort haut, c’est-à-dire à 8 ou 10 pouces au-dessus de la surface du sol : ils ne demanderont pas mieux, leur travail sera moins fatigant & beaucoup plus expéditif. Lorsque la récolte sera enlevée de ce champ, on attendra que la paille restante soit bien sèche & qu’il règne un vent léger ; alors le feu est mis a cette paille restante, il gagne de proche en proche, enfin tout le champ ne présenté plus qu’une superficie nue & dépouillée de toute espèce d’herbes.

Il est inutile de prévenir que cette opération peut devenir dangereuse si le vent est impétueux, que l’incendie peut gagner dans les champs voisins. On ne doit donc jamais la commencer sans avoir fait donner un double coup de charrue à oreille, & dans le même feu, tout autour du champ sur un espace de 6 à 10 pieds, afin d’enterrer le chaume &

  1. Toute prairie qui n’est pas arrosée, ne mérite plus la dénomination de glorieuse, depuis que l’on s’attache à la culture des prairies artificielles & à alterner les récoltes des champs. Ainsi, dans tout ce qui est dit dans cette section, il s’agit de la formation de la prairie susceptible d’irrigation, & la seule qui mérite d’être conservée, à moins que certaines circonstances locales ne fassent exception.