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indispensable avant l’hiver, au moins pendant les deux ou trois premières années, enfin jusqu’à ce que le propriétaire soit assuré qu’il ne reste plus de plantes étrangères. Cette époque passée, & ce travail suivi rigoureusement, il est presque impossible que des plantes étrangères s’introduisent dans la prairie. Toute sa superficie est tapissée d’herbes qui ont tallé & qui se joignent. La graine portée par les vents ou par les eaux ne trouve pas à se loger, & si elle germe, elle est étouffée au printemps sous l’ombre & par la forte & rapide végétation de l’herbe du pré.

Les taupes, (consultez ce mot) font de grands dégâts sur-tout dans les nouvelles prairies ; la terre y est encore molle, & elles ont toute la facilité nécessaire pour y creuser de longues galeries & multiplier les soupiraux. En quelque temps que ce soit, dès qu’on s’aperçoit de leur travail, toute espèce de piège doit être tendu ; il ne faut pas attendre que cet animal se multiplie ; chaque jour on détruira les monticules dont on étendra la terre sur le sol du voisinage, & on sèmera de la graine nouvelle dans l’endroit de l’excavation. Les rats, les mulots ne sont pas si faciles à détruire à cause de leur multiplicité ; cependant de fréquentes & copieuses irrigations parviendront à les chasser d’un terrain où on les fatigue.

Ce n’est qu’après les deux premières années révolues qu’on doit permettre pendant l’hiver l’entrée du bétail ou des troupeaux dans la prairie. Un propriétaire intelligent la leur interdira ensuite pendant tout le temps que le sol en sera humide. Dans cette circonstance, le bœuf à masse lourde & pesante, marque tous les endroits où il passe par l’enfoncement de ses pieds, il enfouit & enterre la plante, elle pourrit, & cette cavité devient le réceptacle des mauvaises graines charriées par les eaux ; elles y germent, rien ne les contrarie, elles y prospèrent ; enfin c’est toujours par là que commence le dépérissement d’une prairie. Si le sol en est naturellement tant soit peu humide, elle ne tardera pas à devenir marécageuse & couverte de souchets, de joncs, de mousses & d’une infinité de plantes aquatiques.


Section II.

De l’irrigation des prés.

Quoique jusqu’à présent j’aye blâmé l’entretien des prairies non arrosées à volonté & établies sur un bon sol, cependant si les circonstances locales obligent à les conserver, on fera très-bien de profiter des eaux fournies par les pluies, & de rassembler celles qui coulent le long des rues, des chemins, des coteaux, &c. Ces eaux sont excellentes, parce qu’elles tiennent beaucoup de terres végétales en dissolution, & qu’elles entraînent avec elles les débris des substances animales & végétales putréfiées, ce qui forme un excellent engrais. Mais ces eaux accidentelles, considérées simplement comme eau, sont-elles d’un grand secours ? Oui, elles le sont instantanément, puisqu’elles procurent à la fois une plus grande masse d’eau à la prairie. Si la saison est pluvieuse, cette prairie n’a pas besoin de cette eau comme eau, puisque les pluies entretiennent