Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/410

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eaux toute leur crudité, on en tirera encore quelque parti en les employant, dans les sécheresses, sur les terres légères, en les détournant dès le matin & en ne les faisant couler qu’au coucher du soleil. Si l’eau est chargée de tuf, on la fait passer, avant de s’en servir, dans les réservoirs qu’on a soin de nettoyer de temps à autre, en enlevant le tuf qui s’attache au fond & sur les côtés, & l’on y jette du fumier ; elle devient plus ou moins propre à l’arrosement. Toutes les eaux médiocres sont également améliorées par ce moyen, & les bonnes eaux deviennent encore meilleures.

» 4°. Toutes les eaux mauvaises pourroient encore être corrigées par le moyen de quelques rouages qu’on établiroit sur le ruisseau, ou bien en la faisant jaillir en forme de jet : l’eau agitée perd de sa crudité[1].

» 5°. Si l’eau pèche par un excès de froid, coule dans un lit couvert, profond, ombragé, il faut, s’il est possible, donner du jour au canal, en extirpant les arbres & les broussailles qui lui dérobent la chaleur du soleil. Si cette eau étoit abondante, il seroit à propos d’en séparer un bras par quelque canal de conduite, qu’on tiendroit plus large que profond & exposé au sud. Un petit volume acquiert plus promptement la température qu’un grand.

» 6*. Si l’eau étoit trop chaude ; on pourroit quelquefois en changer le cours & le placer de manière qu’il fût moins exposé à l’ardeur du soleil, ou planter sur un de ses bords une rangée d’arbres aquatiques, convenables au climat & au sol. De toutes les méthodes la plus efficace seroit la filtration ; la nature elle-même l’indique. Nous avons ensuite bien des sources qui ne coulent que pendant que le soleil a assez de force pour fondre la neige & la glace, & qui tarissent lorsque le soleil n’a plus la même activité. Toutes ces eaux sont évidemment des neiges & des glaces fondues. Si elles filtrent au travers des rochers durs ou des terres sablonneuses, elles acquièrent presque les mêmes propriétés que les eaux du ciel, au lieu que si elles passent entre des pierres tendres ou des terres sablonneuses, elles restent mauvaises & pernicieuses. Je ne doute point que si, imitant la nature, on faisoit passer les eaux fatiguées, visqueuses, crues, froides, marécageuses, pétrifiantes, & peut-être les eaux ferrugineuses & vitriolique, à travers un banc de sable factice, on ne leur enlevât leurs qualités nuisibles.

» Il me paroît que la dépense ne doit pas rebuter, si l’on a déjà ces eaux, si elles sont à portée & si la prairie n’est pas considérable.

  1. Note de l’Éditeur. C’est-à-dire que par le mouvement imprimé à l’eau, une partie de son air se dégage, & comme cet air tenoit en dissolution les parties hétérogènes l’eau, elles sont obligées de se déposer, parce qu’elles ont perdu le lien qui les y assujettissoit. Dès-lors elles n’ont plus les mêmes qualités. On en voit un exemple bien palpable dans les eaux nommées aériennes : telles sont celles de Spa, de Pyrmont, &c. très-claires dans des vaisseaux bien bouchés, qui deviennent laiteuses, opaques, & déposent un sédiment dès qu’on débouche le vaisseau qui les contient, & qu’on les laisse contact avec l’air atmosphérique.