L’amas de graviers nécessaires pourroit du moins en plusieurs lieux le faire à un prix assez modique.
» On a indiqué une seconde espèce de filtration très-propre à corriger les eaux de tuf & les eaux visqueuses. Il faut les faire passer au travers de plusieurs branches de sapins verts, munies de leurs feuilles ou piquans. On les emploie de deux manières. Quelquefois on se contente d’en remplir un réservoir, en le serrant fortement contre l’issue. D’autres fois on en forme deux haies tressées, dont l’une tapisse tout l’intérieur du réservoir du côté de l’issue, & l’autre est placée en dehors. Les parties nuisibles, visqueuses, tondeuses, &c. s’attachent à ces branches, que l’on change dès que les piquans sont tombés. L’expérience a appris que le poisson, qui ne peut vivre dans ces eaux visqueuses, s’y plaît assez dès qu’elles ont passé au travers de ces claies ou fascines qui retiennent une partie des corps hétérogènes qui les rendoient mauvaises.
Comme dans toutes les provinces du royaume, il n’est pas facile de se procurer des branches de sapins ; on peut les suppléer par les tiges de genêt, les fagots de fougères, de bouleaux & autres arbres & arbustes secs ou verds ; les branches sèches sont à préférer, parce que l’écorce de presque toutes, contient une gomme-résine, qui une fois desséchée, se dissout difficilement dans l’eau. Quand même cet expédient ne seroit pas aussi avantageux que les branches de sapin pour retenir la viscosité de l’eau, il n’en servira pas moins quand il faudra empêcher l’écoulement des matières tophacées, crayeuses, & argileuses. Dans tous ces cas l’expédient le plus avantageux est de ménager, ainsi qu’il a déjà été dit, de vastes réservoirs au sommet de la prairie, afin que l’eau s’y échauffe, & que pendant sa stagnation elle y dépose son sédiment. Nous avons très-peu de cantons en France où les eaux soient trop chaudes pour l’irrigation. Si on en rencontre de telles, il convient de les rassembler pendant la nuit dans ces réservoirs & de les répandre sur la prairie, un peu avant le soleil levé ; c’est l’heure de la journée où l’atmosphère est le moins échauffée, & l’eau aura eu le temps, pendant la nuit, de se mettre à la température de l’air ambiant. Dans la majeure partie de la France & dans les provinces méridionales, les sources, les ruisseaux sont infiniment plus rares qu’en Suisse où les hautes montagnes fournissent en abondance l’eau sur les collines, dans les vallées. En France on prend l’eau quand on la trouve & on s’en sert comme l’on peut ; cependant les préceptes donnés par M. Bertrand, méritent la plus grande attention de la part de nos cultivateurs.
Il seroit possible en France de se procurer une bien plus grande étendue de prairies arrosées si, à l’abri d’une législation sage, il étoit possible 1°. de prendre les eaux des rivières, des ruisseaux, & si, dans la majeure partie des circonstances, il ne falloit pas avoir l’attache du tribunal des eaux & forêts ; par conséquent grever ses possessions d’une redevance toujours onéreuse, même en la supposant très-modique. 2°. Si une communauté assemblée pouvoit forcer un particulier (bien entendu en le dédommageant) à laisser passer