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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/413

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la pierre est rare & la maçonnerie trop chère, on pourra employer des gouttières ou chenaux de bois creusés, posés sur des chevalets de pierre ou de bois ; c’est le seul cas ou l’on doit les employer.

On peut se dispenser de couvrir le canal lorsqu’il coule rez-terre, au travers d’un terrain solide ; mais si le ruisseau étoit dominé par une terre mouvante, graveleuse, friable, il seroit bientôt rempli & obstrué si l’on n’avoit pas soin de l’en préserver, en le couvrant de dalles ou pierres plates. Enfin il est absolument nécessaire de ménager un sentier ou une banquette le long de la conduite, lorsqu’elle cotoye une colline escarpée, afin de pouvoir la visiter facilement & obvier à propos aux accidens.

Si on est obligé de profiter de la pente pour forcer l’eau à remonter, on a besoin de canaux, que l’on fait ordinairement avec du sapin, du pin, quelquefois avec du chêne ; le mélèze (consultez ce mot) vaut cent fois mieux ; il est aussi inaltérable que le cèdre du Liban.

Tout le terrain de la nouvelle prairie étant débarrassé des troncs, des racines, des monticules de terres, des pierrailles, &c., ainsi qu’il a été dit dans le chapitre précédent, il ne s’agit plus que de niveler & fixer la place & la direction des saignées ou canaux, enfin de déterminer quelle doit être leur largeur & leur profondeur.

Il n’est rien dans l’art d’abreuver les prés qui soit d’une si grande importance que les canaux. De leur position, de leur direction & de leur construction, dépend tout le succès de l’arrosement.

On divise les canaux que l’on emploie, suivant le besoin, en deux espèces principales. Les uns s’appellent maîtresses-rigoles, on en compte quatre ; les autres au nombre de six, sont de simples rigoles. Les canaux de conduite, d’introduction, de dérivation, de détente, sont des maîtresses-rigoles. Les canaux d’arrosement, de décharge, de repos, de reprise, d’écoulement & de dessèchement, sont de simples rigoles.

Le canal de conduite est celui qui amène & conduit l’eau à la tête du pré. Il n’est pas toujours nécessaire de faire la dépense du canal de conduite, puisque souvent l’eau se trouve à la portée de la prairie. Peu d’eau suffit lorsqu’elle est bien ménagée, sur-tout si les terres sont un peu fortes ou mixtes. Si on peut se procurer commodément du gravier, & que le fond du canal ne soit pas naturellement graveleux, il faut en répandre une certaine quantité. Ce gravier maintient l’eau plus fraîche, il lui donne une agitation très favorable & il empêche le canal & l’eau de se charger de glaires & de se creuser. On prendra la même précaution pour les canaux d’introduction, de dérivation & de détente. Jamais l’eau n’est meilleure que lorsqu’elle coule sur le gravier.

Le canal d’introduction est celui qui amène l’eau dans l’intérieur du pré, le long de la partie qui domine sur toute sa superficie, pour que de là on puisse la conduire & la diriger où l’on veut… Ce canal doit être plus ou moins large, plus ou moins profond selon la quantité d’eau que l’irrigation exige : il ne doit point déborder, à moins qu’il ne serve en même temps de rigole & de canal