Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/513

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

huit dont il occupe la place. On dira peut-être qu’on épuise un prunier en se conduisant ainsi ; je réponds, non, & décidément non ; si la nature lui donne la force de produire de longs bourgeons, ce n’est pas pour qu’ils soient abattus, & la preuve en est que plus on les raccourcit, plus il en pousse de nouveaux. Tous ces retranchemens épuisent L’arbre, puisqu’il a travaillé en pure perte à pousser ses bourgeons ; mais lorsque vous verrez l’arbre foiblir, ses branches devenir maigres & chiffonnes, c’est alors le cas d’en diminuée le bois, de ravaler petit à petit ses branches, afin de les forcer à mettre du bois nouveau qui rajeunira l’arbre insensiblement. En suivant, ces procédés, on est assuré de conserver sain & en bon état, les pruniers, pendant une très-longue série d’années.

L’arbre vieux ne donne plus de bourgeons, & il se charge de fleurs ; mais en général, elles aoutent peu.

Ce vice tient à plusieurs causes : 1°. À force d’avoir cassé (consultez ce mot) & sans cesse cassé les bourgeons faits & les nouveaux bourgeons, on a forcé la nature à exécuter dans le cours de la même année, ce qu’elle n’auroit fait q«e dans deux & même trois ans, si on avoit laissé le bourgeon livré à lui-même ; c’est-à-dire, qu’on a forcé ces bourgeons à mettre dans la même saison leurs boutons à fruits, au lieu de donner des boutons à bois, qui, l’année suivante, ou la seconde tout au plus, auroient poussé des boutons, à fruit. On a donc dérangé l’ordre de la végétation, & il ne peut varier sans que l’arbre en souffre beaucoup.

2°. On est content de manière ou d’autre, &, bon gré malgré, on a obtenu des boutons à fruit, enfin ils fleurissent, aoutent & donnent des prunes. Chacune de ces brindilles, de ces rameaux du troisième, & quatrième ordre se couvre de boutons ; l’époque de la fleuraison arrive, ils sont couverts de fleurs & l’arbre en est tellement chargé qu’il en est tout blanc. On s’en applaudit encore & on sourit en le voyant, sans faire attention que cette superfluité de fleurs est un vice nouveau & que très-peu aouteront. L’extrémité de la brindille, du petit rameau s’alonge pendant le reste de la saison, & après la chute des feuilles, elle présente de nouveaux boutons à fruit qui se développeront au retour de la belle saison & ainsi de suite d’année en année. Le jardinier, peu instruit, se garde bien de raccourcir ces rameaux, parce qu’il s’imagine qu’il ne restera plus de fruit. Qu’arrive-t-il ? ces rameaux s’allongent insensiblement, se chargent de aoutons à fruits à leur pointe, tandis que les boutons à fruits de l’extrémité inférieure, couverts de feuilles, se sont épuisés & la sève s’est portée dans les boutons des bouts des branches. Ces rameaux acquièrent donc successivement une longueur de 10, 12, 15 à 18 pouces, & leur totalité ne présente à l’œil qu’un amas confus, de petites branches, & ressemble plutôt à un buisson qu’à celles d’un arbre en espalier. Cette prolongation des rameaux à fruits, couvre de son ombre & de celle de leurs feuilles, les mères branches & les branches secondaires, les prive du bénéfice de l’air & les soustrait à