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phose en boutons à bois qui donnent à leur tour & par la suite des boutons à fruit. C’est en suivant cette méthode que j’ai renouvelé un espalier considérable & dont les rameaux s’éloignoient du mur & en avant de plus de quinze pouces. On n’auroit pas dit, deux ans après, qu’on en eût ravalé toutes les branches. Le prunier, à l’exemple de plusieurs arbres fruitiers, charge rarement deux ans de suite, mais pour le forcer à donner chaque année, (toute circonstance égale) il suffit de raccourcir à chaque taille d’hiver une partie des rameaux à fruits & ainsi successivement… Règle générale & dont on ne doit jamais s’écarter, un prunier disposé en espalier ne doit pas s’écarter du mur dans sa surface extérieure, de plus de quatre à six pouces. Il résulte de ce rapprochement : 1°. que la fleur aoute mieux ; 2°. que le fruit en est plus gros ; 3°. qu’il mûrit & se colore beaucoup mieux, parce qu’il profite de toute la chaleur de la réverbération : c’est ce que l’expérience prouve démonstrativement.

Le prunier est susceptible de recevoir toutes les espèces de greffes.

Un moyen bien simple de regarnir un espalier qui se dégrade, ou bien seulement de remplacer quelques arbres qui tirent à leur fin, sans trop découvrir les murs, c’est de choisir un emplacement, & on calcule l’espace que les branches du prunier sont destinées à couvrir par la suite ; là on fait une fosse profonde de trois ou quatre pieds au moins, que l’on laisse ouverte pendant l’été. Si le sol est maigre, de peu de qualité, on garnit le fond de la fosse avec du fumier ou avec des gazonnées, ou avec des feuilles, & on recouvre le tout de terre, sur laquelle on sème de l’herbe quelconque, mais dont la graine ne soit pas dans le cas de mûrir avant le mois d’octobre. Sur la terre qu’on a tirée de la fosse, on répand également de cette graine, afin que toute sa superficie se charge d’herbe. À l’époque où les prunes ont acquis leur parfaite maturité, on en choisit quelques-unes bien saines ; alors on se hâte de remplir la fosse, en ayant bien soin que les herbes soient enfouies pêle-mêle avec la terre & bien recouvertes ; on plante trois ou quatre prunes dans le milieu de la fosse, à trois pouces de profondeur. Ces prunes germeront & pousseront au printemps suivant. On choisira le jet qui se trouvera le mieux placé & le plus fort, & on supprimera tous les autres. Lorsque le pied sera assez fort, il sera greffé à la manière accoutumée ; & à mesure qu’il étendra ses branches, on arrachera les arbres voisins. Cet arbre prospérera à vue d’œil, parce qu’il sera vraiment un arbre naturel, à la greffe près, & parce que ses racines s’étendront dans un sol bien préparé, bien fumé & où, elles trouveront la terre végétale, fournie par la décomposition des herbes qu’on avoit semées. Ce que je dis du prunier s’applique aux pêchers, abricotiers & même aux pommiers & poiriers. On perd du temps, il est vrai, mais on ne se prive d’aucune jouissance, puisque les arbres voisins ne sont supprimés qu’autant que les arbres naturels les remplacent.