Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/547

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entendre ses intérêts que de planter trop près. Il faut au moins aux marronniers, sycomores, tilleuls, platanes, ormeaux, &c. trente pieds de distance en tous sens. Si on veut promptement jouir, on plantera à 15 pieds, à condition toutefois, qu’à la sixième année on supprimera un rang entier. Il résulte des plantations rapprochées, que les branches ne tardent pas à se toucher ; que le jardinier se hâte de les incliner afin qu’elles se touchent plus promptement, & que ces branches, au lieu de s’élever avec majesté, ne poussent que des branches latérales, multipliées & chiffonnes. Il s’admire dans son ouvrage, contemple avec satisfaction un toit de verdure créé dans moins de dix ans ; le propriétaire applaudit à son travail, vient prendre le frais dans son quinconce, il y gagne des fluxions, des maux de dents, des rhumes, des transpirations arrêtées, &c. parce qu’il y règne une humidité qui n’est pas entraînée par un courant d’air, & qui ne trouve aucune issue pour s’échapper ; enfin, ce charmant quinconce si vanté, n’est plus que pour le plaisir des yeux, & devient funeste à ceux qui s’y reposent. Si on désire jouir sans crainte de sa plantation, les arbres doivent être espacés de 30 pieds, & ne commencer à produire des feuilles qu’à la hauteur de 25 pieds ; alors il sera sain & habitable sans danger. Je ne conçois pas quelle est cette manie de tourmenter les arbres afin que leurs branches forment un toit plat en dessus & en dessous, & parfaitement alignés sur les côtés. Je ne vois dans ce travail forcé, qu’un tour de force qui surprend au premier aspect, & qui ennuie un moment après. Il n’y a de beau que le vrai, & le vrai est naturel. Si on se promène à l’ombre de tels arbres, qu’aperçoit-on ? un amas de branches, & quoi encore, branches sur branches, & la pointe des bourgeons garnie de quelques feuilles. Quel contraste avec l’arbre naturel. Passe encore si l’on se contentoit de tailler en manière de charmille les bords extérieurs du quinconce, l’intérieur n’en souffriroit pas ; mais j’aime mieux l’arbre livré à lui-même, qui se montre tel qu’il est, & dont le prétendu désordre des branches augmente la beauté des nuances de la verdure.


QUINQUINA ou ÉCORCE DU PÉROU. Cortex peruvianus, & nommé par les indiens cascara de Loxa. Comme cet arbre est originaire du Pérou, & qu’on ne peut le cultiver en France, il est inutile de donner sa description. Les Espagnols, en 1640, furent les premiers qui apportèrent le quinquina en Europe, & ce fut vers l’an 1649 que le procureur des jésuites de l’Amérique en transporta plusieurs balles à Rome. Ce fut de là qu’il invita tout son Ordre à donner de la réputation à ce remède. Chacun d’eux guérissoit les fièvres comme par enchantement ; dès-lors on appela le quinquina la poudre des Pères. Les anglois la nomment encore aujourd’hui poudre jésuitique. Ce fut en 1679 que le chevalier Talbot, anglois de nation, à force de remontrer l’utilité de ce spécifique, & même d’en exagérer les vertus, fit revivre en France i’usage du quinquina. On en fit un secret que l’on vendit très-cher à Louis XIV, & ce