Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/568

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réelle. Par exemple, qu’un arbre soit planté près d’un fossé, près d’un égoût à fumier, &c., les racines se détourneront de leur route première, pour se porter de ces côtés, où elles trouveront une nourriture plus abondante. L’humidité & la chaleur ne seroient-elles pas la première cause de cette attraction, puisque ce sont les deux grands agens de la végétation. Il en est ainsi de l’air considéré comme atmosphère, il agit bien plus efficacement sur les bords d’un fossé ou d’une balme, qu’à dix pas de là dans l’intérieur de la terre ; aussi l’on voit les racines se porter avec activité vers ces bords, & y végéter avec plus de force que dans tout le reste de la circonférence & dans l’intérieur de la terre, parce qu’elles sont plus actionnées par la lumière & la chaleur du soleil, & par l’humidité des pluies, des rosées, &c ; mais si ces racines sont attirées vers l’extérieur, elles ne doivent pas cependant s’écarter des loix qui leur sont assignées par la nature. Il est démontré par les belles expériences de Hales, que toutes les racines d’un arbre peuvent être converties en branches, & les branches en racines, en changeant leurs dispositions. Cette expérience est aisée à répéter dans les pays chauds avec le grenadier. Si on enterre ses jeunes branches, si on couronne ses racines, suivant la règle observée pour la plantation des arbres, enfin si on arrose au besoin, des racines sortiront des petites branches enterrées, & la naissance des anciennes racines placées au haut du tronc donneront des branches. Cette expérience isolée prouve seulement que les racines peuvent devenir des branches, quand elles sont exposées à nu & à l’air. Aussi voit-on sur les parties des grosses racines d’oliviers, de peupliers, & de tous les arbres qui contiennent beaucoup d’yeux dans leur écorce, sortir des branches qui peu à peu affameroient l’arbre, & qui deviendroient elles-mêmes des arbres si on en avoit soin. Mais si par des accidens quelconques, par l’affaissement du terrain, les grosses racines dont il est question paroissent à l’extérieur, on ne doit pas en conclure qu’elles suivent la loi de la nature. On observe au contraire, que si elles y sont contraintes par une cause quelconque, elles se hâtent de plonger en terre, non pas en pivot, à la manière de la maîtresse racine des arbres, mais en s’allongeant entre deux terres afin de profiter autant qu’il est possible & de la fraîcheur de la terre & des effets du soleil & des pluies.

Mais pourquoi les racines s’étendent-elles si loin, & pourquoi sont-elles si multipliées, puisqu’il est bien démontré que l’arbre, en général, se nourrit autant par ses feuilles que par ses racines ?

De l’extension des racines. Nous supposons un arbre venu de graine ; c’est un arbre naturel. Il faudra des circonstances bien singulières pour que cet arbre étende ses racines latéralement & très-au loin, parce qu’il ne poussera 1°. que son pivot qui ira à une très-grande profondeur. 2°. Toutes ses racines secondaires imiteront son exemple & deviendront autant de pivots. Ses racines du troisième ordre seront peu nombreuses, puisque celles des deux premiers ordres qui suffisent avec les