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RAGE. Médecine vétérinaire. De toutes les maladies auxquelles sont sujets les animaux, & qu’ils communiquent à l’homme, celle qui inspire le plus de crainte, de répugnance & d’alarmes, c’est la rage : il n’est point de maladie sur laquelle il y ait plus de préjugés & d’erreurs, point de maladie dont le vrai traitement soit moins connu ; son nom seul inspire de l’horreur. On dit, on répète journellement dans les campagnes, que la morsure d’un animal enragé est sans remède ; &, d’après cette idée désespérante, on abandonne les animaux, ou bien on se livre avec sécurité à des pratiques superstitieuses, à l’usage de quelques recettes empiriques, absurdes, & toujours inefficaces : ainsi les accidens se multiplient, l’erreur s’accrédite, le préjugé se perpétue ; cependant la morsure d’un animal enragé n’est point la rage ; il est possible, disons mieux, il est facile de prévenir tous ces accidens par un traitement simple, mais bien dirigé. Nous l’exposerons à la fin de cet article.


Ce que l’on entend par Rage.

La rage est une espèce de fièvre nerveuse, qui attaque le principe vital, & produit dans toutes les humeurs, & particulièrement dans la salive, une telle dépravation, que la morsure d’un animal affecté de cette maladie, la communique à un autre.

Comme cette maladie peut survenir par un simple état d’irritation particulière à l’estomac ou à quel qu’autre organe nerveux & très-sensible, on a coutume de distinguer deux espèces de rage.

1°. On appelle Rage spontanée celle qui survient aux animaux sans avoir été mordus par un autre animal malade. Elle dépend toujours d’une cause interne, fixée sur quelque organe nerveux. La marche de cette espèce de maladie est très-rapide ; elle ne dure jamais plus de sept jours dans quelque animal que ce soit ; souvent même elle les fait périr beaucoup plus promptement. Comme la cause & le siége de cette maladie sont quelquefois équivoques ; comme on ne la reconnoît souvent que fort tard, le traitement de cette espèce de rage est peu assuré. Au lieu d’essayer des remèdes dans les animaux, il vaut mieux les enfermer avec loin ou les faire tuer, pour prévenir les ravages qu’ils pourroient causer.

2°. On appelle Rage communiquée, celle qui est la suite d’une morsure faite par un animal attaqué de la maladie. Dans le dernier cas, la maladie est toujours plus ou moins long-temps à se développer ; la cause est externe & évidente : c’est la morsure ; le remède aussi est entièrement externe. Porté sur la partie même, il y détruit surement la cause qui auroit pu produire la maladie ; son application est simple & facile, son action est prompte, son effet infaillible ; enfin nous ne craignons pas d’avancer que la guérison est toujours assurée lorsque le traitement de la plaie a été pratiqué convenablement.

Quels animaux sont sujets à la Rage.

Tous les animaux peuvent être attaqués de la rage spontanée ; l’homme même n’en est pas exempt ; mais ces cas sont extrêmement rares, &