Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/604

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lible contre la rage ; il dit : Ce remède a été pendant plusieurs centaines d’années un secret renfermé dans une famille qui se faisoit gloire d’en communiquer gratuitement les salutaires effets à ceux qui en avoient besoin, conservant pour toujours le secret comme un honorable héritage de la famille ; mais enfin, il m’a été communiqué depuis peu par un père de la compagnie de Jésus, qui est de la même famille, lequel, pour obliger le public, m’a permis d’en faire part ; ce que je fais d’autant plus volontiers, qu’il m’a assuré que ce remède est si expérimenté & tellement reconnu dans tout le pays où est sa famille, que quoiqu’elle ne soit éloignée que de sept petites lieues de l’Océan, duquel les eaux sont un remède assuré pour le même mal, on ne laisse pas d’y venir préférablement. » Quelle que soit l’origine de ce remède, de sa filiation de famille en famille, toujours est-il vrai & très-vrai que depuis un temps très-considérable, on se rend de plus de vingt lieues à la ronde à Tullins en Dauphiné, chez celui qui l’administre, & que le succès le plus décidé a toujours accompagné le traitement. Aujourd’hui, c’est la demoiselle Gallien qui donne ce remède, lequel n’est autre chose que la recette de Solleysel, mise en pratique, avec quelques modifications dont je ferai part après l’avoir transcrite.

Remède contre la rage, de Solleysel. Si quelque personne ou quelque autre animal a été mordu par une bête ou par une personne enragée, & qu’il y ait plaie entamée, il faut, avant toute chose, bien nettoyer les plaies, les raclant avec quelque ferrement (non pourtant avec un couteau duquel on doive se servir pour manger) sans rien couper néanmoins, si ce n’est qu’il y eût quelque partie déchirée qui auroit peine de se rejoindre aux autres ; puis il faut bien laver & étuver les mêmes plaies avec de l’eau ou du vin un peu tiède, dans quoi on a mis une pincée de sel, autant qu’on en peut prendre avec les trois doigts dans une salière. »

« Les plaies étant nettoyées de cette sorte, il faut avoir de la rhue, de la sauge, & des marguerites sauvages qui croissent dans les champs & dans les prés, feuilles & fleurs, s’il y en a, une pincée de chacune ou davantage à proportion, s’il y avoit beaucoup de plaies ou plusieurs personnes à panser ; mais pour une personne & une plaie, une pincée de chacune suffit. On peut bien prendre un peu plus de marguerites que des deux autres. Prenez encore quelques racines d’églantier ou de rosier sauvage, des plus tendres, & si vous avez de la scorsonère, prenez sa racine. Hachez ces racines, particulièrement celle de l’églantier, bien menu ; ajoutez à tout cela cinq ou six bulbes d’ail, chacune de la grosseur d’une noisette pilez premièrement les racines de l’églantier & la sauge dans un mortier, & ces deux étant assez pilées, mettez & pilez encore dans le même mortier tout le reste, la rhue, les marguerites, les aulx, la racine de scorsonère, avec une pincée de gros sel ou un peu davantage de sel blanc, mêlant bien le tout ensemble, & faisant un marc de tout cela.

« Prenez de ce marc, & mettez-en sur la plaie en forme de cataplasme, & si la plaie étoit profonde, il seroit à propos d’y injecter du