Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/605

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jus de ce même marc ; puis l’ayant mis sur la plaie, il la faudra bien bander & la laisser ainsi jusqu’au lendemain.

» Cela fait, sur le reste du marc, qui sera de la grosseur d’un bon œuf de poule vous jeterez un demi-verre de vin blanc, si vous pouvez en avoir, ou autant d’un autre vin, faute de celui-là, & ayant un peu mêlé le tout avec un pilon dans un mortier, il faudra le presser dans un linge, bien exprimer tout le jus, & le faire boire au patient à jeun ; & après, lui faire laver la bouche avec du vin ou de l’eau, pour lui ôter tout le mauvais goût de cette potion, laquelle est nécessaire pour empêcher que le venin ne se saisisse du cœur, ou pour l’en chasser, s’il y étoit déja arrivé. Il ne faut ni boire ni manger autre chose que trois heures ou environ après cette potion.

» Il n’est pas besoin, les jours suivans, de racler ou laver les plaies comme le premier jour ; mais il faut au moins, neuf jours durant, y mettre du marc chaque matin, & prendre tous les mêmes jours à jeun, une semblable potion comme au premier jour, sans manquer à cela, pour le danger qu’il y a de le discontinuer avant les neuf jours accomplis.

» Si dans les neuf jours les plaies ne sont pas entièrement guéries, comme il arrive ordinairement, on peut les panser comme on feroit une plaie simple, & au bout des neuf jours on peut converser avec le monde sans danger ; ce qu’il ne faudroit pas faire avant cette époque, particulièrement s’il y avoit déja assez long-temps que la personne eût été mordue de bête enragée.

» Pour les bêtes qui ont été mordues de quelque autre bête enragée, il faut entièrement user du même remède, sinon qu’on peut mettre du lait au lieu du vin, parce que les chiens le prendront plus facilement ».

Mademoiselle Gallien n’a rien changé à la recette de Sollesel, excepté à la manipulation. Elle prépare actuellement les neuf doses ensemble, & les personnes qui en font usage ont soin d’agiter le mélange avant d’en tirer plein le verre de jus à boire chaque matin ; & le dernier jour on presse fortement le marc pour en exprimer tout le liquide, qui alors est épais & extrêmement désagréable à prendre. Le changement dans l’administration de ce remède est devenu nécessaire pour envoyer ce spécifique tout préparé au loin.

La confiance qu’on a dans tous les environs à ce remède, peut sans doute beaucoup ajouter à ses vertus chez les hommes ; & on fait bien en conséquence de le maintenir infaillible ; quoi qu’il en soit, on assure qu’on ne connoît pas d’exemple de personnes devenues enragées, après l’avoir pris comme il convient.

Ces renseignemens m’ont été envoyés par un militaire très-distingué & très-digne de foi, qui réside à Tullins même, & qui, chaque année, est le témoin oculaire des guérisons.


RAGRÉER. Terme de jardinage qui signifie parer & unir avec la serpette la plaie faite à une branche ou à un tronc, lorsqu’on en a séparé la partie supérieure avec une scie. Le mouvement rapide de la scie imprime, un degré très-fort de chaleur