Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/616

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intérieur des maisons. Il en résulte que des enfans & même de grandes personnes sont souvent victimes de cette imprudence.

Le gouvernement & tous les parlemens du royaume ont prononcé des peines graves contre ceux qui vendent de l’arsenic, & les ont obligés d’inscrire sur un registre le nom de la personne qui l’a acheté, ainsi que sa quantité. Cette précaution est efficace quand il s’agit de personnes inconnues & suspectes. Mais qu’une personne en demande à son apothicaire ou à son maréchal, elle en aura sans peine & s’en servira pour détruire quelques rats ou souris qui l’incommodent. Le mal qui résulte de cette incommodité ne peut pas être mis en comparaison avec le risque d’occasionner la mort à un ou à plusieurs individus ; encore si l’arsenic étoit le seul moyen de détruire ces animaux, mais on en connoît plusieurs d’aussi efficaces. Pourquoi ne pas prohiber absolument la vente de l’arsenic, dont la couleur & la configuration, quand il est réduit en poudre, ressemble entièrement à du sucre ou au sel très blanc de nos cuisines ?

L’expérience de tous les temps & de tous les lieux a prouvé que la noix vomique étoit un poison décidé pour tous les quadrupèdes. C’est donc le cas de s’en servir ici, & je l’ai fait avec succès. Les gros rats aiment singulièrement les raisins desséchés ou de panse, vulgairement nommés de carême. On choisit les grains les plus frais, on les ouvre par le milieu, on saupoudre l’intérieur de noix vomique réduite en poudre aussi fine que de la farine ; enfin on réunit les deux parties, & on les serre l’une contre l’autre. Ces grains ainsi préparés sont placés dans les parties du grenier les plus fréquentées par les rats. On s’aperçoit bientôt, par les débris de leur pellicule, que ces grains ont été mangés sur place ; & si on ne les retrouve pas, c’est une preuve que les rats les ont emportés dans leur retraite. On remplace les vides par de nouveaux grains préparés. Cette noix vomique en poudre très-fine se mêle avec succès avec la farine, dont on remplit plusieurs bateaux de cartes ou autres petits vases quelconques ; mais il faut changer ce qui reste au bout de huit jours, parce que les rats n’en veulent plus.

Il y a des rats qui rebutent les préparations où entre la noix vomique, sans doute à cause de son amertume, dans ce cas, comme dans tous les autres, le tartre-émétique la supplée efficacement ; il n’a ni odeur, ni saveur décidée : je réponds de ce dernier moyen que j’ai employé de préférence à tous les autres ; il est également assuré avec les raisins secs.

Dès qu’on s’aperçoit que les fruits d’un espalier sont attaqués par les rats, il faut saupoudrer de tartre-émétique ceux qui sont entamés : ces animaux ne tarderont pas à y revenir, parce qu’ils se jettent sur les premiers mûrs, & les autres ne le sont pas encore assez pour eux. Le tartre-émétique est très-peu soluble dans l’eau, puisqu’il faut deux cents parties d’eau très-chaude pour en dissoudre une de cet émétique ; ainsi le peu d’eau du fruit, unie même avec celle de l’atmosphère, ne suffira pas pour dissoudre ce tartre ; l’animal en dévorant le fruit prendra donc le tartre en substance, & il agira