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blé, de pain ou de noix, il disposoit autour des barrils quelques planches pour donner la facilité de monter aux rats & aux souris qui ne peuvent s’accrocher au cuivre. Il étoit moralement impossible que ces animaux, soit qu’ils fussent seuls en se promenant sur le parchemin, soit qu’ils fussent plusieurs en se disputant les amorces, ne passassent sur la partie du parchemin coupée, & aussitôt ils tomboient dans l’eau, & le parchemin qui avoit plié se remettoit dans son premier état. Le premier de ces animaux attrapé, ne se noyant pas tout d’un coup, ne manquoit pas de crier, & dans un lieu aussi sûr pour eux que l’est pendant la nuit une bibliothèque où l’on ne laisse point de chats, ses camarades ne manquoient pas de venir à son secours, & quelques-uns d’eux ne manquoient pas d’aller tenir compagnie au prisonnier. Le bibliothécaire s’en débarrassa, par ce moyen, en peu de temps. Ce piège peut être facilement imité ; le fer blanc, la faïence & le grès rendront le même service. Il ne s’agit que d’avoir des vaisseaux d’une hauteur suffisante : on pense bien qu’il les faut plus élevés pour attraper des rats que pour attraper des souris.

Les mulots causent de grands dégâts dans les champs semés en blé & dans les prairies ; ils s’y multiplient à l’infini, & ils attirent dans leur voisinage les pies, les corbeaux, les oiseaux de proie de toute espèce, les renards & autres animaux carnivores ; car dans la nature l’espèce qui multiplie le plus, est celle qui est destinée à nourrir un plus grand nombre d’individus. Malgré cette ligue formée par ses ennemis, le mulot se soustrait, sans peine à leur poursuite par la multitude de galeries qu’il creuse, & qui aboutissent de toutes parts à l’extérieur. Les animaux carnassiers ne s’emparent en général de leur proie que par surprise ; il n’est donc pas étonnant que le mulot travaille sans cesse à multiplier les moyens de s’y soustraire : aussi voit-on rarement ce petit animal s’éloigner de la partie du champ ou de la prairie qu’il a sillonnée.

Si dans le fort de l’hiver, un peu avant l’époque des fortes gelées, on peut conduire l’eau sur la prairie & l’inonder, il est clair que l’on fera périr un très-grand nombre de mulots qui seront surpris dans l’eau, & qui ne trouveront aucun moyen pour s’échapper.

Dans les champs, c’est en labourant sans cesse : les labours fréquens ne détruisent pas ces animaux, mais ils les fatiguent au point qu’ils vont chercher plus de tranquillité & de repos dans les champs voisins. C’est les éloigner pour un temps, & voilà tout. L’expérience a prouvé que l’écobuage (consultez le mot Écobuer) les éloigne. Est-ce parce que leurs galeries sont détruites lorsqu’on lève les touffes de terre garnies d’herbes, ou bien est-ce l’odeur désagréable de ces herbes bridées qui les fait fuir ? c’est ce que l’on ne sait pas encore. L’expérience prouve aussi que les mulots disparoissent pour un certain temps lorsqu’un troupeau de moutons a parqué sur un champ ou sur une prairie : ce moyen, quoique simple palliatif, seroit bon si on pouvoit l’employer toute l’année ; mais alors que deviendroit la récolte du blé ou du foin ? Il est encore prouvé que les prairies & les champs sur lesquels on a répandu de la chaux éteinte à