Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/631

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mer promptement ; un de ses ouvriers traînoit un râteau à trois dents espacées de dix pouces l’une de l’autre, & traçoit ainsi de petits sillons ; un second ouvrier le suivoit & semoit à la main dans ces sillons ; enfin, un troisième enterroit la graine, niveloit le terrain avec un râteau à dents de fer & serrées ; dans moins d’une demi-heure ces trois hommes semoient & hersoient ainsi tout le travail de leur journée. Voilà ce qu’on appelle savoir économiser le temps, & travailler avec connoissance de cause.

Lorsque l’on sème à la volée après que le champ est labouré & légèrement hersé, la graine se trouve trop abondante en certaines places, tandis que d’autres en sont entièrement dépourvues, soit par la mal-adresse du semeur, soit parce que cette graine a été enfouie trop profondément, & n’a pas pu germer. Mais elle n’est pas perdue ; elle repoussera l’année suivante avec les blés si elle se trouve dans le cas de germer : une semblable plante parasite fait beaucoup de tort aux plantes de blés ses voisines, parce qu’elle devance leur végétation & les étouffe, à moins qu’on ne l’arrache.

Cette confusion de graines nécessite différens sarclages afin d’éclaircir & diminuer le nombre des plantes ; en bonne règle, toute rave ou navet doit être éloignée de la plante voisine de dix à douze pouces. C’est aussi ce que le propriétaire déja cité se procuroit sans peine ; je lui demandai un jour pourquoi il ne se servoit pas du semoir si vanté, & si prôné, il y a vingt cinq à trente ans ? il me répondit : c’est une machine, elle est coûteuse, on ne doit jamais mettre de machines entre les mains des paysans ; ils les ont bientôt dérangées & brisées, ou par malice, ou par gaucherie ; au lieu que le râteau est simple, tout aussi expéditif & je ne perds point de temps.

Le premier binage a lieu lorsque la plante a donné six à sept feuilles & que sa racine est grosse comme le petit doigt ; ce labour a deux avantages, celui de supprimer les plantes surnuméraires, & celui de détruire les mauvaises herbes, sans compter qu’il ameublit la couche supérieure du sol. Le second a lieu lorsque les raves & les navets commencent à acquérir la grosseur d’une pomme ; ces deux binages sont l’ouvrage des enfans & des femmes. Toutes les plantes qu’on arrache sont portées, après avoir été lavées, dans les râteliers des bœufs, vaches & moutons. Si, à l’exemple du propriétaire déja cité, on enlevoit chaque jour, & par progression, les pantes surnuméraires d’espace en espace, on auroit une récolte qui dureroit pendant tout l’été, & fourniroit journellement de l’herbe fraîche pour la nourriture du bétail ; c’est précisément la méthode contraire qu’on suit presque par-tout. On rassemble un bon nombre de femmes & d’enfans que l’on met tout à la fois au travail dans la ravière, & en quelques jours tout le champ est nettoyé ; il en résulte que l’on amoncèle l’herbe, qu’elle s’échauffe, se fane, & qu’on la donne en profusion au bétail tant qu’il en reste ; par l’autre méthode, il a chaque jour de l’herbe fraîche & en quantité proportionnée à ses besoins. Chez le propriétaire dont il est question, les femmes & les enfans alloient à des heures réglées